Info. personnage[]
Dans l'immensité des installations sous-marines de la Forteresse de Méropide, l'infirmerie de Sigewinne est l'un des rares endroits ouverts à tout le monde à tout moment.
Si un geôlier tombe gravement malade pendant une patrouille, ses collègues l'aideront à se rendre à l'infirmerie pour découvrir qu'une boisson chaude et un lit propre ont déjà été préparés en attendant son arrivée. Ou alors un détenu, épuisé par une journée de travail, peut s'effondrer à cause du surmenage durant son déjeuner, mais à son réveil, son repas l'attend déjà dans un conteneur qui le garde bien chaud...
C'est généralement quand ils découvrent toute l'attention qui leur a été portée que Sigewinne apparaît, tout sourire. Sa présence permet de rapidement soulager à la fois la crainte et la fatigue de ses patients, qui peuvent alors se détendre un peu et se laisser soigner.
Tous sont impressionnés par son dévouement, mais ils sont aussi quelque peu confus par son grand cœur.
Travailler à la Forteresse de Méropide est une punition en soi, et même les geôliers les plus jeunes et les plus énergiques doivent prendre un jour de congé après quelques jours de travail consécutifs. Cependant, Sigewinne n'en a pris qu'un tout petit nombre depuis que Wriothesley est devenu administrateur. Les lumières de l'infirmerie sont toujours allumées, et ça n'a pas l'air d'être sur le point de changer... Les raisons derrière cet enthousiasme constituent une énigme tant pour les geôliers que pour les détenus.
« Sigewinne aurait-elle été envoyée par les cieux pour veiller sur nous ? »
Ce qui avait commencé par quelques marmonnements d'un détenu en voyant les ailes sur le dos de Sigewinne a rapidement fait des émules avant d'être adopté par la grande majorité. Dans ce monde sous-marin dépourvu de toute lumière, elle est devenue leur soleil, une source de chaleur rayonnante dans leur prison humide et sombre.
Pour récompenser cet ange, les geôliers ont établi une sorte de règle officieuse en plus des nombreuses règles déjà en vigueur à la Forteresse de Méropide : quiconque se montrera impoli envers Sigewinne sera sévèrement puni. Les détenus ont eux aussi un accord tacite selon lequel tout nouveau venu un peu trop agité et violent doit recevoir un « avertissement » dès son incarcération. Il faut bien que ces petits nouveaux comprennent qu'il y a ici quelqu'un à qui il ne faut surtout pas manquer de respect.
Sigewinne, qui n'a pas la moindre idée de ces mesures prises à son égard, reçoit simplement ses patients comme elle l'a toujours fait. Mais il y aura toujours des curieux pour lui demander :
« Infirmière en chef, pourquoi êtes-vous toujours là à prendre soin de nous ? Vous n'êtes jamais fatiguée ou... embêtée ? »
Quand ça arrive, Sigewinne fronce les sourcils, ce qui est extrêmement rare, comme si la question était complètement absurde.
« Hmm... Avez-vous déjà eu un chat de compagnie ? Vous en prenez soin et vous observez ses différentes façons de se comporter que vous trouvez si mignonnes... C'est une chose que vous appréciez pour ce qu'elle est, n'est-ce pas ? Comment quelqu'un pourrait-il s'en lasser ? »
En général, ces curieux n'en croient pas vraiment leurs oreilles lorsqu'ils entendent sa réponse. Et ceux à qui ils en parlent par la suite ont encore plus de mal à y croire.
« C'est totalement absurde ! Je préfère encore croire que les anges existent ! »
Histoire du personnage 1[]
Dans les jours qui suivirent la nomination de Sigewinne au poste d'infirmière en chef, le nombre de cas de surmenage explosa à la Forteresse de Méropide.
Même sans qu'on le leur demande, de nombreux détenus continuaient à travailler pendant les heures de repos. Peut-être cherchaient-ils simplement un moyen plus rapide de mettre la main sur un luxe temporaire, ou à placer un pari sur le prochain combat de boxe. Ce qui est sûr, c'est que les coupons de crédit poussaient de nombreux détenus à sacrifier leur santé au profit de leurs désirs.
Sigewinne assistait à tout ça, confuse et impuissante. Selon elle, le surmenage ressemble à une maladie dont les humains semblaient souffrir volontairement.
« Mais si c'est une maladie, je devrais pouvoir trouver un remède, non ? »
C'est en réfléchissant de cette façon que Sigewinne commença à chercher des ingrédients et qu'elle finit par obtenir un médicament satisfaisant. Il était délicieux et riche en nutriments, un remède infaillible.
Mais la première fois qu'elle le prescrit, le détenu qu'elle soignait pâlit de terreur à la vue du médicament et refusa tout simplement le traitement.
Déconcertée, Sigewinne demanda de l'aide autour d'elle, et reçut finalement la réponse qu'elle cherchait d'un certain détenu qui était le chef de cuisine de la Forteresse de Méropide.
« Oh, c'est facile. Nous, les chefs, sommes passés maîtres dans l'art de transformer n'importe quoi en plat gastronomique. Même les racines ou les tiges hideuses de certaines plantes. »
Sans pour autant être d'accord avec sa conception de la beauté, Sigewinne était reconnaissante envers le chef cuisinier pour son aide, et décida donc de lui montrer les ingrédients qu'elle avait préparés plus tôt.
Après un long silence passé à observer ce qu'il avait devant lui, le chef s'adressa à Sigewinne :
« Je vais faire de mon mieux, mais si je peux me permettre de faire une suggestion, la prochaine fois que vous m'amenez ces ingrédients, ne laissez personne les voir. »
Sigewinne ne comprit pas ses craintes tout de suite, mais voyant qu'il était sérieux, elle décida d'accepter. C'est comme ça qu'elle nomma officiellement ce médicament le « repas nutritif » qui allait devenir l'un des éléments secrets du menu de la cantine. Un médicament sous la forme d'un repas qui apparaît systématiquement sur le plateau d'un détenu le lendemain de son surmenage.
Histoire du personnage 2[]
Lorsque Sigewinne accéda au poste d'infirmière en chef, le fait qu'elle soit une mélusine sous une apparence humaine devint rapidement un secret de Polichinelle. Cette nouvelle s'était même répandue au-delà des murs de la Forteresse de Méropide.
Certains évoquaient l'idée selon laquelle elle serait la descendante de sang mêlé d'un humain et d'une mélusine, mais tous ceux qui discutèrent de cette possibilité reçurent un avertissement sévère de la Maréchaussée fantôme. Même l'iudex Neuvillette était personnellement opposé à de telles rumeurs, et il avait « la ferme intention d'étouffer ces histoires inappropriées et discourtoises. »
Certains avancèrent qu'elle portait peut-être un masque et des gants spéciaux pour faciliter son intégration à la société humaine. Mais cette hypothèse n'eut pas vraiment de succès, car l'époque où les humains ostracisaient les mélusines était depuis longtemps révolue, et Sigewinne n'avait plus besoin de vivre ainsi.
Les journaux exploitèrent très vite la curiosité du public, et de nombreux journalistes furent envoyés à la Forteresse de Méropide dans l'espoir de décrocher une interview.
« Pardonnez mon impolitesse, mais pourrions-nous savoir comment vous avez pris une apparence humaine ? »
Les approches délicates des journalistes dissimulaient leur curiosité pressante. Sigewinne, de son côté, avait sérieusement réfléchi à la question avant de raconter une histoire inspirée de souvenirs lointains :
À l'époque où les humains et les mélusines ne se faisaient pas encore confiance, il n'y avait qu'une seule petite fille prête à se lier d'amitié avec une mélusine. Plus tard, lorsque cette petite fille tomba gravement malade, Sigewinne était la seule médecin à pouvoir se précipiter sur les lieux. Mais parce qu'elle était une mélusine, et uniquement à cause de ça, ses parents empêchèrent Sigewinne d'entrer.
Pour sauver son amie, Sigewinne alla voir une effrayante sorcière et la supplia de l'aider. Après s'être assurée de la détermination de Sigewinne, la sorcière lui donna une potion concoctée à partir du péché. Grâce à cette potion, Sigewinne prit une apparence humaine, avec des mains et des pieds, et réussit à sauver son amie.
Après avoir écouté cette histoire, les journalistes se regardèrent, incrédules.
« Infirmière en chef, cette histoire est un conte de fées, n'est-ce pas ? »
« Tout est vrai, je vous assure. »
Ils observèrent alors la mélusine, puis se regardèrent à nouveau, stupéfaits. Ils étaient tous des journalistes professionnels, la crème de la crème journalistique. Ils étaient convaincus de pouvoir facilement détecter un mensonge, et pourtant, ils ne décelèrent rien dans l'histoire ou la gestuelle de Sigewinne.
Les journalistes rentrèrent donc frustrés, sans doute parce qu'ils estimaient que le public ne serait pas convaincu par cette histoire, et la réponse de Sigewinne ne fut jamais publiée.
Par la suite, son entourage en déduisit que c'était un sujet dont elle ne souhaitait pas discuter, et ils se mirent donc d'accord pour ne plus en parler. Peut-être que Sigewinne est la seule à savoir qu'elle n'avait rien caché, même si à l'époque, il est possible qu'elle-même ne fût pas consciente de toute la vérité.
Histoire du personnage 3[]
Sigewinne entretient une correspondance épistolaire avec Neuvillette depuis son arrivée à la Forteresse de Méropide.
Elle répond avec sérieux à chaque lettre qu'il envoie, et par crainte qu'il puisse s'ennuyer au Palais Mermonia, elle raconte même parfois des choses intéressantes qui se passent à la Forteresse de Méropide.
« Cher monsieur Neuvillette, je vais très bien en ce moment. J'ai récemment reçu votre colis d'articles médicaux. Merci beaucoup de les avoir choisis et de me les avoir envoyés.
Quelque chose d'assez intéressant s'est produit. Un jeune nouveau venu a fait tomber un détenu plus vieux qui jouait les gros bras depuis longtemps. Cependant, il a été blessé dans la bagarre. Il est très jeune, mais il est plus coriace que n'importe quel adulte que j'ai rencontré jusqu'à présent. Il a même refusé l'utilisation d'anesthésiants lorsque j'ai recousu sa blessure, disant vouloir garder les idées claires...
Cette fois, la réponse de Neuvillette arriva bien plus tôt que d'ordinaire. C'est comme s'il connaissait le jeune homme dont Sigewinne lui avait parlé et qu'il lui demandait de faire attention à lui. Même s'il avait écrit de manière très officielle comme à son habitude, Sigewinne sentit qu'il suivait ce jeune homme avec intérêt.
Le jeune homme devint d'ailleurs un sujet récurrent de ses lettres à Neuvillette.
« Cher monsieur Neuvillette, il s'est encore blessé lors d'une bagarre et il a à nouveau refusé les anesthésiants... J'en ai cependant mis dans son thé pour pouvoir le recoudre pendant son sommeil. Il ne crie jamais quand je le soigne, mais je peux voir à quel point il serre les dents pour se retenir. »
« Cher monsieur Neuvillette, il refuse toujours de boire le milkshake que je lui prépare. C'est dommage, ce serait vraiment bon pour sa santé... »
« Cher monsieur Neuvillette, il a beaucoup grandi, il est peut-être même un peu plus grand que vous maintenant... »
« Cher monsieur Neuvillette, les fournitures médicales dont j'avais signalé la disparition dans ma lettre précédente ont été retrouvées grâce à lui. Plus rien ne lui échappe ici-bas... »
« Cher monsieur Neuvillette, sur la base de vos instructions précédentes, je dois désormais m'adresser à lui comme monsieur le duc, n'est-ce pas ? »
...
De nombreuses années plus tard, le jeune homme nommé Wriothesley devint le nouvel administrateur de la Forteresse de Méropide et, par hasard, découvrit les correspondances entre Sigewinne et Neuvillette.
« C'est bien ce que je pensais. Notre cher iudex a placé un espion à mes côtés. »
« Pourquoi dites-vous ça ? Je vous ai mentionné dans mes lettres uniquement parce que monsieur Neuvillette s'inquiète pour vous. »
Wriothesley n'y croyait pas trop, mais il ne dit rien, préférant plutôt parler d'une certaine rencontre qu'il avait faite avant d'aller en prison. À l'époque, en proie à la faim, il feuilletait un journal trouvé par terre à la recherche d'une opportunité de gagner un peu d'argent. La personne qu'il rencontra ce jour-là n'était toutefois pas un monsieur Neuvillette inquiet, mais plutôt une officière mélusine au grand cœur. C'est grâce à la nourriture qu'elle lui offrit qu'il parvînt à surmonter cet obstacle de la vie.
« L'iudex ne... Plus précisément, il ne peut pas ouvertement se soucier de quelqu'un en particulier. C'est une des restrictions qu'il doit accepter en tant qu'iudex. Même ses subordonnés sont plus libres que lui de montrer de l'intérêt pour quelqu'un. »
« Vous pouvez continuer à lui écrire sur tout ce que vous voulez. Je suppose que c'est l'une des restrictions que je dois accepter. »
Sigewinne choisit de ne pas réfuter cette hypothèse incorrecte, même lorsqu'il s'en alla. Elle n'aurait jamais imaginé qu'avec tout ce qu'il savait, il pourrait arriver à une conclusion aussi erronée. Il y a longtemps, juste après l'arrivée des mélusines à la surface, beaucoup d'entre elles offrirent des cadeaux aux humains en guise de bonne volonté. Mais beaucoup de mauvaises personnes profitèrent de cette gentillesse, mettant de nombreuses mélusines en danger. C'est alors que Neuvillette rassembla tout le monde pour annoncer que de tels comportements seraient désormais jugés illégaux. Sans cette intervention de Neuvillette, cette officière mélusine n'aurait jamais donné à manger à Wriothesley en personne.
Ce n'est qu'après y avoir longuement réfléchi que Sigewinne décida d'écrire une nouvelle lettre.
« Cher monsieur Neuvillette, j'ai enfin découvert un secret que même lui ne connaît pas... »
Histoire du personnage 4[]
Pour les mélusines, le vieillissement, la maladie et la mort des humains sont aussi naturels que le lever et le coucher du soleil.
C'est la première chose que les mélusines apprennent lorsqu'elles essayent de comprendre les humains, car c'est ce qui les différencie le plus. La compréhension de l'humanité s'arrête cependant là pour beaucoup de mélusines. En effet, lorsqu'elles arrivèrent sur la terre ferme, elles ne furent accueillies que par la méfiance et le rejet des humains. Elles décidèrent donc de retourner sous l'eau, abandonnant tout intérêt pour le sort éphémère de l'humanité.
Mais, contrairement à ces mélusines, la curiosité de Sigewinne l'incita à rester et lui permit également de découvrir une forme de magie connue sous le nom de « médecine ». On racontait que cette forme de magie était tout à fait merveilleuse, capable de changer la loi naturelle qu'est la mort de vieillesse ou de maladie.
Sigewinne souhaitait maîtriser cette magie, espérant ainsi pouvoir favoriser un rapprochement entre les mélusines et les humains, et l'intégration de celles-ci à la société humaine. Malheureusement, à cette époque, les humains ne comprenaient pas son mode de pensée, et personne n'était disposé à lui transmettre des connaissances médicales.
Cette situation dura jusqu'à ce qu'une médecin itinérante que les enfants appelaient la « sorcière » croise son chemin et décide de l'écouter.
« Sérieusement ? Qu'est-ce que la médecine, selon toi ? Comme c'est enfantin. »
Sigewinne s'attendit alors à être rejetée, écoutant silencieusement les critiques. Mais la sorcière effraya plutôt quelques enfants qui voulaient se moquer de Sigewinne, avant de lui faire signe de la suivre.
« Tu ferais mieux de venir avec moi, dans ce cas. Je vais te montrer la vérité. »
C'est comme ça que Sigewinne obtint sa propre trousse médicale et apprit la médecine aux côtés de cette « sorcière ». Celle-ci était à la fois une excellente médecin et un maître dévoué. Il n'y avait presque aucune maladie qu'elle ne pouvait pas guérir, aucune technique qu'elle ne pouvait pas enseigner.
Alors que leurs voyages les avaient déjà conduites dans pratiquement tout Fontaine, Sigewinne avait déjà appris à préparer divers médicaments et à effrayer les enfants avec des histoires de fantômes. Désormais, Sigewinne ne l'appelait plus sorcière, mais maître.
Un jour, le maître s'interrompit et, avec un air sérieux qui différait quelque peu de son expression habituelle, appela Sigewinne.
« Comment pouvons-nous traiter cette personne, maître ? »
« Il n'y a pas de remède. Donne-lui simplement des analgésiques. »
C'était la première fois que Sigewinne entendait son maître s'exprimer ainsi. Quoiqu'un peu surprise, Sigewinne se mit à préparer ce que son maître lui avait demandé. Ensuite, elle vit le patient souffrant se calmer, faire ses adieux aux membres de sa famille, avant de mourir paisiblement.
Dans la nuit, elles reprirent la route.
« Je ne savais pas qu'il y avait des maladies que vous ne pouviez pas guérir, maître. Il y en a d'autres comme ça ? »
« Oui, peu importe à quel point la médecine progresse, il y aura toujours des maladies incurables. »
« Mais alors, quel est l'intérêt de la médecine ? »
« Tous les humains meurent. Dans ce cas, quel est le sens de l'existence humaine ? »
Sigewinne ne comprit qu'à moitié la réponse de son maître. Elle réfléchit alors aux adieux dont elle venait d'être témoin pour essayer de trouver des réponses dans ses souvenirs.
« Les sourires et les larmes sur leurs visages ? »
Son maître, d'ordinaire très sérieuse, lui sourit gentiment.
« Laissons ça de côté pour l'instant. Une fois que tu auras trouvé la réponse, tu comprendras non seulement la médecine, mais aussi les gens. »
Histoire du personnage 5[]
« À l'origine, les Fontainois étaient des océanides dont le corps se dissolvait dans l'eau de mer primordiale. »
La grande inondation effaça les péchés de tous les Fontainois, mais révéla aussi cette terrible vérité. Sigewinne avait une bien meilleure compréhension de cette situation que la plupart des gens. Après s'être occupée des détenus blessés lors de l'inondation, elle retourna plus tôt à la Forteresse de Méropide pour prendre cette fameuse lettre, scellée dans une bouteille depuis des centaines d'années.
« Si tu lis cette lettre, c'est que tu as compris toutes ces choses sur lesquelles j'avais des doutes, comme nous l'avions convenu, n'est-ce pas ? »
« Je sais que je ne dois pas m'en faire, tu as toujours très bien écouté ce que je te disais sans poser de question. C'est pourquoi je voudrais commencer par des excuses. Je t'ai menti, même à la fin. »
« L'étrange maladie que j'ai découverte se manifeste par la dissolution du corps humain. L'organisme tout entier disparaît pour ne laisser qu'un peu de liquide qui semble extrêmement proche de l'eau pure. Même en m'utilisant comme sujet expérimental et en me mettant dos à ce mur mortel, je ne suis pas parvenue à trouver un traitement pour guérir cette maladie grâce à ce liquide. Tout ce à quoi je suis arrivée, c'est une découverte dénuée de sens : si tu mélanges ce liquide avec des ingrédients spécifiques, tu obtiens une solution permettant de changer de visage qui n'est utilisable que par les Fontainois. Cette solution leur permet de prendre n'importe quelle apparence. »
« J'ai d'abord trouvé ça inutile... Jusqu'à ce que je te rencontre et que tu me parles de ton dilemme, celui de ne pas pouvoir sauver ton amie uniquement parce que tu es une mélusine. Je me suis alors souvenue que la constitution des mélusines pourrait leur permettre de profiter des effets de cette potion dans une certaine mesure. L'impasse dans laquelle je me trouvais pouvait peut-être encore connaître une issue heureuse. »
« C'est pourquoi je t'ai trompée. La potion sur la table n'est pas une sorte de potion mystérieuse, mais le dernier cadeau que je puisse t'offrir après m'être dissoute. »
« Bois-la simplement comme une potion. Ne t'ai-je d'ailleurs pas toujours dit que les méthodes importent peu du moment que les enfants boivent leurs médicaments ? »
Après avoir fini de lire la lettre, Sigewinne, désormais au courant de toute l'histoire, retourna à l'endroit où elle avait choisi de commémorer son maître.
Ce n'était pas une pierre tombale, seulement un endroit au bord de l'eau d'apparence ordinaire. Sigewinne n'avait jamais retrouvé le corps de son maître et lui avait donc érigé un simple cénotaphe. Le monument avait, à son tour, été englouti par la montée constante des eaux.
Sigewinne n'en voulait pas à son maître de lui avoir menti, car elle pouvait en sentir tout l'amour à chaque fois qu'elle touchait ses joues avec ses mains humaines.
« Merci, maître. »
Elle posa ensuite la lettre sur l'eau et la regarda dériver au loin.
Équipement médical portable intégré exclusif aux mélusines[]
À l'époque où le bâtiment principal de l'Institut de recherche de Fontaine ne flottait pas encore dans le ciel, les chercheurs menaient également certains projets de recherche et développement en dehors de leurs propres sujets de recherche en échange de diverses subventions.
Ces projets étaient en grande partie improductifs, inintéressants, mais des sacrifices nécessaires pour courtiser les sponsors. Cependant, certains de ces projets étaient carrément ridicules, au point que les chercheurs envisageaient sérieusement de se voir retirer leur financement plutôt que de conduire de telles recherches.
Un jour, un de ces projets de recherche apparut pour occuper une place de choix sur leur tableau d'annonces.
« Super urgent : développement d'un dispositif médical spécialisé. »
« Exigences : 1. Portatif, de taille réduite, léger, facilement transportable par une personne de la taille d'un petit enfant ; 2. Doit pouvoir contenir tous les instruments médicaux nécessaires pour des interventions d'urgence (si les instruments médicaux actuels ne permettent pas de répondre à ces exigences, un nouvel ensemble d'instruments doit être créé séparément) ; 3. Doit inclure une fonction permettant d'effectuer des examens médicaux de routine ; 4. Jolie finition. »
Les quelques chercheurs réunis autour du tableau froncèrent tous les sourcils à la lecture de l'annonce, et ne purent finalement plus contenir leur colère.
« Qu'est-ce que c'est que ça pour une requête ? Non seulement les exigences sont strictes, mais elles sont contradictoires ! »
« Une jolie finition ? On est quoi, des fabricants de jouets ? »
Mais la personne qui avait affiché l'annonce n'était pas du tout déroutée par la réaction des chercheurs.
« La commanditaire n'était autre que la mélusine infirmière en chef de la Forteresse de Méropide. »
À ce moment-là, l'indignation des chercheurs laissa place au silence, jusqu'à ce que quelqu'un s'écrie :
« Nous acceptons ce projet, et pas de traitement préférentiel pour ceux qui sont en service ! Et ceux qui se sont plaints, vous êtes automatiquement disqualifiés ! »
En à peine un mois, Sigewinne reçut un produit des plus satisfaisants : une trousse médicale en forme de cœur qu'elle emporte partout, attachée à sa hanche. Cette trousse devint même sa carte de visite.
L'unique reproche qu'elle pouvait faire concerne son nom absolument hideux : l'Équipement médical portable intégré exclusif aux mélusines.
Œil divin[]
Sigewinne est une infirmière qualifiée, ça ne fait aucun doute. Depuis son arrivée à la Forteresse de Méropide, elle n'a pratiquement jamais rencontré de maladie qu'elle n'a pas été en mesure de traiter. À mesure que le nombre de patients qu'elle est parvenue à soigner augmentait, le respect de tous à son égard grandissait également. Et tant qu'il s'agit de médecine, ses avis médicaux sont toujours suivis avec beaucoup d'attention.
Mais il y a quand même eu une exception.
Il s'agissait d'un détenu que tout le monde appelait Vieille branche, parce que personne ne connaissait son vrai nom. Ils savaient seulement qu'il purgeait sa peine depuis de nombreuses années et qu'il allait probablement terminer ses jours sous les vagues. Il devenait de plus en plus fragile, mais il refusait toujours que Sigewinne le soigne.
« Laissez-moi tranquille, personne ne peut plus rien pour moi. »
C'est avec ces mots qu'il refusait systématiquement les examens que Sigewinne voulait lui faire passer. Pour finir, elle fut obligée d'utiliser ses relations dans l'administration pénitentiaire pour forcer le vieil homme à venir à l'infirmerie, mais uniquement par la manière forte et grâce à l'aide de plusieurs geôliers. Sigewinne put alors commencer l'examen médical qu'elle voulait lui faire passer depuis longtemps. Mais le résultat se révéla être une déception : l'état du vieil homme était depuis longtemps au stade terminal, ce à quoi Sigewinne, en dépit de toutes ses connaissances médicales, ne pouvait rien faire.
« Vous voyez ? Je vous l'avais bien dit ! »
Vieille branche rigola alors triomphalement en voyant la déception dans les yeux abattus de Sigewinne. Mais son rire fut de courte durée, car il commença à s'étouffer et à tousser en crachant du sang. C'était comme si la vie cherchait à quitter son corps. Puis, il perdit connaissance.
Après ça, le vieil homme arrogant resta cloué au lit. Et pour la première fois, Sigewinne se sentit impuissante dans cette infirmerie désormais si familière, ne sachant pas quoi faire à part regarder s'écouler les derniers jours de Vieille branche.
Elle avait néanmoins remarqué qu'il regardait constamment une date spécifique sur le calendrier, et qu'une lueur brillait pourtant dans ses yeux depuis longtemps éteints.
« Peu importe à quel point la médecine progresse, il y aura toujours des maladies incurables. »
« Alors quel est l'intérêt de la médecine ? »
Sigewinne se souvint de la question qu'elle avait un jour posée à son maître, et réalisa soudain qu'elle connaissait enfin la réponse finale à cette question. Elle se rendit donc au chevet du vieil homme pour lui proposer quelque chose.
« Mon maître m'a dit un jour que le devoir d'une médecin n'est pas de guérir toutes les maladies, seulement celles qui peuvent l'être. Alors, laissez-moi vous aider. »
« Vous voulez dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez moi que vous pouvez traiter ? »
« Oui, et c'est votre incapacité à rester en vie jusqu'à ce jour en particulier. »
Le vieil homme la regarda, choqué, mais fut finalement convaincu par la détermination dans ses yeux.
Au cours de la dizaine de jours suivants, et malgré quelques grognements, il but jusqu'à la dernière goutte de tout ce qu'elle lui préparait. Son état ne s'améliora pas, et ses vomissements sanglants continuèrent d'augmenter en intensité et en volume, mais par miracle, il parvint à repousser l'heure de son dernier souffle jusqu'à ce fameux jour du calendrier.
Ce jour-là, une mère et son fils vinrent à l'infirmerie. Le fils était marchand à Liyue, et il n'avait pas pu se libérer plus tôt pour revenir à Fontaine. Il commença par reprocher au vieil homme ses échecs en tant que père. Puis, après avoir écouté les excuses sincères de son père, il se mit à pleurer à chaudes larmes. Ensuite, il lui sourit une dernière fois avant qu'il ne rende son dernier souffle.
...
Après les funérailles de Vieille branche, Sigewinne reçut une boîte de cadeaux en guise de remerciement de la part de cette mère et de son fils. Alors qu'elle s'apprêtait à offrir ces cadeaux à ses patients, elle remarqua quelque chose de brillant à l'intérieur de la boîte.
Ce qu'elle vit n'était autre qu'un œil divin flambant neuf. C'était comme si les dieux l'avaient observée et lui avaient eux aussi envoyé un cadeau.
Cependant, cette découverte ne sembla pas lui faire particulièrement plaisir. Elle vit plutôt cela comme une confirmation de la conclusion à laquelle elle venait d'arriver.
Elle aurait tellement voulu que son maître soit là, à ce moment précis, pour qu'elle puisse enfin lui donner sa réponse.
« Les sourires et les larmes sur leurs visages ! »