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Tartessos

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Tartessos
Géographie
Pays
Espagne actuelle
Baigné par
Aire de diffusion de la civilisation de Tartessos.
Un des cinq visages du Turuñuelo.

Tartessos est une civilisation antique qui s'est développée au Ier millénaire av. J.-C. dans le sud de la péninsule Ibérique, dans l'ouest de l'Andalousie moderne. D'un point de vue archéologique, la culture tartessienne présente un mélange d'éléments phéniciens et indigènes ainsi que son propre système d'écriture utilisé pour écrire le tartessien.

Le nom de Tartessos (en grec ancien Ταρτησσός) est tiré des sources grecques du Ier millénaire av. J.-C. où il désigne une ville portuaire semi-mythique, ainsi que le fleuve à l'embouchure duquel elle se trouve. Ce fleuve a été identifié au Guadalquivir ou au Río Tinto, cette dernière interprétation permettant de situer Tartessos à l'emplacement de l'actuelle Huelva où a été découverte une nécropole. Le lien entre le Tartessos des textes grecs et les sites archéologiques de la région reste incertain.

Description selon les sources anciennes

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Sources grecques

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Selon Pausanias le Périégète (115-180 de notre ère)[1] :

« Ils disent que Tartessos est un fleuve en terre ibérique qui se jette dans la mer par deux bouches et qu’entre ces deux bouches se trouve une ville du même nom. Le fleuve, qui est le plus grand d’Ibérie, et connaît la marée, est appelé plus récemment Baetis, et que d’aucuns pensent que Tartessos fut l’ancien nom de Carpia, une ville des Ibères. »

— Pausanias le Périégète

Il reprend, en les abrégeant, les informations données par Strabon (né vers 60 av. J.-C. - 20 ap. J.-C) dans sa Géographie[2] :

« Anciennement, à ce qu'il semble, on désignait le Baetis sous le nom de Tartessos, et Gadira (l'actuelle Cadix), avec le groupe d'îles qui l'avoisinent, sous le nom d'Erythea, et on explique ainsi comment Stésichore, en parlant du pasteur Géryon, a pu dire qu'il était né « presque en face de l'illustre Erythie, non loin des sources profondes du Tartesse, de ce fleuve à tête d'argent, né dans les sombres entrailles d'un rocher. » On croit aussi que, comme le Baetis a une double embouchure et qu'il laisse un grand espace de terrain entre ses deux branches, les anciens avaient bâti là dans l'intervalle une ville nommée Tartessos ainsi que le fleuve lui-même, et qui avait donné à toute la contrée occupée aujourd'hui par les Turdules le nom de Tartesside. Eratosthène, il est vrai, affirme qu'on appelait Tartesside uniquement le canton adjacent au mont Calpé (le rocher de Gibraltar) et que le nom d'Erythea désignait l'une des îles Fortunées. »

— Strabon

Hérodote, au cinquième siècle avant notre ère, mentionne une ville assez puissante pour aider au financement des murailles de Phocée[3] :

« Les Phocéens sont les premiers chez les Grecs qui aient entrepris de longs voyages sur mer, et qui aient fait connaître la mer Adriatique, la Tyrrhénie, l'Ibérie et Tartessos. Ils ne se servaient point de vaisseaux ronds, mais de vaisseaux à cinquante avirons. Étant arrivés à Tartessos, ils se rendirent agréables à Arganthonios, roi des Tartessiens, dont le règne fut de quatre-vingts ans, et qui en vécut en tout cent vingt. Les Phocéens surent tellement se faire aimer de ce prince, qu'il voulut d'abord les porter à quitter l'Ionie pour venir s'établir dans l'endroit de son pays qui leur plairait le plus ; mais, n'ayant pu les y engager, et ayant dans la suite appris d'eux que les forces de Crésus allaient toujours en augmentant, il leur donna une somme d'argent pour entourer leur ville de murailles. Cette somme devait être considérable, puisque l'enceinte de leurs murs est d'une vaste étendue, toute de grandes pierres jointes avec art. C'est ainsi que le mur des Phocéens fut bâti. »

— Hérodote

Il situe Tartessos au niveau des Colonnes d'Hercule (le moderne détroit de Gibraltar)[4] et fait de la ville un comptoir commercial avec lequel les Grecs font des affaires très profitables :

« Ils (des marins Grecs de Samos) passèrent les colonnes d'Hercule, et arrivèrent à Tartessos, sous la conduite de quelque dieu. Comme ce port n'avait point été jusqu'alors fréquenté, ils firent, à leur retour, le plus grand profit sur leurs marchandises qu'aucun Grec que nous connaissions ait jamais fait. »

— Hérodote

Sources romaines

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Selon Pline l'Ancien[5], « Carteia [est] appelée par les Grecs Tartessos ». La Carteia romaine est une ville maritime dont les ruines se situent dans la baie de Gibraltar, sur le territoire de San Roque. Cette localisation est reprise par les géographes de l'Époque moderne[6]. Elle ne correspond pas à celle que donnent les sources grecques.

Références bibliques

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Le chevalier de Jaucourt, dans L'Encyclopédie, a supposé que la Tartessos des Grecs pourrait être la Tarsis des Hébreux qui en font une ville richissime, commerçant avec Tyr[7]. Dans le Livre d'Ézechiel :

« Ceux de Tarsis trafiquaient avec toi (Tyr),
À cause de tous les biens que tu avais en abondance ;
D’argent, de fer, d’étain et de plomb,
Ils pourvoyaient tes marchés[8]. »

Découvertes archéologiques

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Trésor d'El Carambolo, exposé au musée archéologique de Séville.

Les découvertes d'Adolf Schulten dans le delta du Guadalquivir publiées en 1922 sont les premières à proposer une interprétation archéologique de Tartessos. En septembre 1923, s'y ajoute la découverte d'une nécropole phénicienne dans laquelle des restes humains ont été mis au jour et des pierres trouvées avec des caractères illisibles. Le site a peut-être été colonisé par les Phéniciens en raison de sa richesse en métaux.

J.M. Luzón a été le premier à identifier Tartessos à l'Huelva moderne. Depuis la découverte en septembre 1958 du riche trésor d'El Carambolo à Camas, à trois kilomètres à l'ouest de Séville, et de centaines d'artefacts dans la nécropole de La Joya, à Huelva, les relevés archéologiques sont intégrés aux relevés philologiques et littéraires et plus largement aux connaissances concernant l'Âge du fer dans le bassin méditerranéen, pour fournir une vue plus éclairée de la culture désormais dite tartessienne, concentrée dans l'ouest de l'Andalousie, l'Estrémadure et dans le sud du Portugal, de l'Algarve à la rivière Vinalopó à Alicante.

L'étain alluvial a été filtré dans les cours d'eau tartessiens depuis une date précoce. La diffusion d'un étalon d'argent en Assyrie a accru son attractivité (le tribut des villes phéniciennes était fixé en argent). L'invention de la monnaie au VIIe siècle av. J.-C. a également stimulé la recherche de bronze et d'argent. Désormais, les relations commerciales, autrefois largement liées aux biens d'élite, assument un rôle économique de plus en plus large. À la fin de l'Âge du bronze, l'extraction d'argent dans l'actuelle province de Huelva atteint des proportions industrielles. Des scories d'argent préromaines se trouvent dans les villes tartessiennes de la province de Huelva. Les métallurgistes chypriotes et phéniciens ont produit 15 millions de tonnes de résidus pyrométallurgiques dans les vastes décharges près du Río Tinto. L'exploitation minière et la fonte ont précédé l'arrivée, à partir du VIIIe siècle av. J.-C., des Phéniciens puis des Grecs, qui ont fourni un marché plus vaste et stimulant et dont l'influence a déclenché une phase « orientalisante » dans la culture matérielle tartessienne (environ 750 - ), avant que la culture tartessienne soit remplacée par la culture ibérique classique.

Carriazo en bronze (625-525 av. J.-C.). Trouvé près de Seville.

Des artefacts « tartessiens » ont été trouvés en différents endroits. Lors de fouilles sur des sites spatialement restreints dans le centre moderne de Huelva, des tessons de céramiques grecques de luxe peintes de la première moitié du VIe siècle av. J.-C. ont été retrouvés. Huelva contient la plus grande accumulation de biens de luxe importés et doit avoir été un important centre tartessien. Medellín, sur le fleuve Guadiana, a révélé une importante nécropole. Les éléments propres à la culture tartessienne sont des articles entièrement polis à motif évolué de l'âge du bronze tardif et des articles de type « Carambolo » à bandes géométriques et à motifs, du IXe au VIe siècle av. J.-C. ; une phase d '« orientalisation précoce » avec les premières importations de la Méditerranée orientale, commençant vers 750 av. J.-C. ; une phase d'« orientalisation tardive » avec une fonte raffinée en bronze et le travail des orfèvres ; une vaisselle grise était fabriquée sur la roue rapide des potiers, imitations locales de marchandises importées phéniciennes.

Aucun site de nécropole antérieur à la colonisation phénicienne n'a été identifié. Le passage d'un modèle de l'Âge du bronze tardif de huttes circulaires ou ovales éparpillées sur un site de village à des maisons rectangulaires avec des fondations en pierre sèche et des murs en plâtre a eu lieu au cours des VIIe et VIe siècles av. J.-C. dans des établissements avec des dispositions prévues qui se sont succédé sur la même site. À Cástulo (Jaén), une mosaïque de galets de rivière de la fin du VIe siècle av. J.-C. est la plus ancienne mosaïque d'Europe occidentale. La plupart des sites ont été inexplicablement abandonnés au Ve siècle av. J.-C.

Dans la ville de Huelva, sur deux lots adjacents totalisant 2 150 mètres carrés, quelque 90 000 fragments de céramiques de marchandises indigènes ou importées, phéniciennes et grecques ont été exhumés, dont 8 009 ont permis une identification. Cette poterie, datée du Xe au début du VIIIe siècle av. J.-C., est antérieure aux découvertes d'autres colonies phéniciennes. Avec ces vestiges de nombreuses activités, les découvertes de Huelva révèlent un emporion industriel et commercial important sur ce site durant plusieurs siècles. Des découvertes similaires dans d'autres parties de la ville permettent d'estimer l'habitat protohistorique de Huelva à une vingtaine d'hectares, surface importante pour un site de la péninsule ibérique à cette période.

L'existence de produits et de matériaux étrangers ainsi que de produits locaux suggère que l'ancien port de Huelva était une plaque tournante majeure pour la réception, la fabrication et l'expédition de divers produits d'origine différente et éloignée. L'analyse des sources écrites et des produits exhumés, y compris les inscriptions et des milliers de céramiques grecques, dont certaines sont d'excellentes œuvres de potiers et de peintres connus, a conduit certains chercheurs à suggérer que cet habitat peut être identifié non seulement avec Tarsis mentionné dans la Bible, dans la stèle assyrienne d'Assarhaddon et peut-être dans l'inscription phénicienne de la pierre de Nora, mais aussi avec les Tartessos de sources grecques - interprétant la rivière Tartessus comme équivalente à la rivière Tinto actuelle et le lac Ligustine à l'estuaire conjoint des rivières Odiel et Tinto coulant à l'ouest et à l'est de la péninsule de Huelva.

Les sites archéologiques tartessiens et les colonies grecques et phéniciennes.

Notes et références

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  1. Périégèse (Description de la Grèce en 10 livres) livre 6, XIX, 2
  2. Strabon, Géographie, livre III, 2, 11
  3. Hérodote, Histoires, livre I, 163
  4. Hérodote, Histoires, livre IV, 192
  5. Histoires naturelles, III
  6. Tartesse, Paris, L’Encyclopédie,  Fac-similé disponible sur Wikisource (Wikisource)
  7. Tharsis, Paris, L’Encyclopédie,  Fac-similé disponible sur Wikisource (Wikisource)
  8. Livre d’Ézéchiel Fac-similé disponible sur Wikisource (Wikisource)

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Articles connexes

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Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (es) L. Abad, Consideraciones en torno a Tartessos y los orígenes de la cultura ibérica, Archivo Español de Arqueología, , chap. 52. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (es) Jaime Alvar Ezquerra (es) et José María Blázquez Martínez, Los enigmas de Tartessos, Madrid, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (es) José María Blázquez Martínez, Tartessos y Los Origenes de la Colonizacion Fenicia en Occidente, Université de Salamanque, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (es) J. Chocomeli Galán, En busca de Tartessos, Valence, .
  • (es) L. García Moreno, « Turdetanos, turdulos y tartessios. Una hipótesis », dans Homenaje a S. Montero Díaz. Anejos de Gerión, vol. II, Madrid, , p. 287-294.
  • (es) F. Gonzalez de Canales Cerisola, Del Occidente Mítico Griego a Tarsis-Tarteso –Fuentes escritas y documentación arqueológica, Madrid, Biblioteca Nueva, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (es) (es) F. Gonzalez de Canales Cerisola, J. Llompart et L. Serrano, El Emporio Fenicio-Precolonial de Huelva, ca. 900-770 a.C., Madrid, Biblioteca Nueva, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (es) A. M. Martín Bravo, « Evindencias del comercio tartésico junto a puertos y vados de la cuenca del Tajo », Archivo Español de Arqueología, no 71,‎ , p. 37-52.
  • Michel Gras, Pierre Rouillard et Javier Teixidor, L'univers Phénicien, Paris, Hachette, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (es) A. Rodríguez Díaz et J. J. Enríquez Navascués, Extremadura tartésica. Arqueología de un proceso periférico, Barcelone, Edicions Bellaterra, .
  • (de) Adolf Schulten, Tartessos. Ein Beitrag zur ältesten Geschichte des Westens, Hambourg, Friederichsen, .
  • (en) Ju. B. Tsirkin, « The downfall of Tartessos and the Carthaginian establishment in the Iberian Peninsula », Rivista di Studi Fenici, vol. XXIV, no 2,‎ , p. 141-152.