Nombre parfait
En arithmétique, un nombre parfait est un entier naturel égal à la moitié de la somme de ses diviseurs ou encore à la somme de ses diviseurs stricts. Plus formellement, un nombre parfait n est un entier tel que σ(n) = 2n où σ(n) est la somme des diviseurs positifs de n. Ainsi 6 est un nombre parfait car ses diviseurs entiers sont 1, 2, 3 et 6, et il vérifie bien 2 × 6 = 12 = 1 + 2 + 3 + 6, ou encore 6 = 1 + 2 + 3.
Voir la suite A000396 de l'OEIS.
Nombres parfaits pairs
[modifier | modifier le code]Premières découvertes
[modifier | modifier le code]Dans le Livre IX de ses Éléments, Euclide, au IIIe siècle av. J.-C., a démontré que si M = 2p − 1 est premier, alors M(M + 1)/2 = 2p–1(2p – 1) est parfait.
Par ailleurs, Leonhard Euler, au XVIIIe siècle, a démontré que tout nombre parfait pair est de la forme proposée par Euclide. La recherche de nombres parfaits pairs est donc liée à celle des nombres de Mersenne premiers (nombres premiers de la forme Mp = 2p − 1, l'entier p étant alors nécessairement premier). La « perfection » d'un tel nombre s'écrit :
Exemples
[modifier | modifier le code]Les quatre premiers nombres parfaits sont connus depuis l'Antiquité :
- 6 = 21(22 – 1) = (1 + 2) + 3 ;
- 28 = 22(23 – 1) = (1 + 2 + 4) + (7 + 14) ;
- 496 = 24(25 – 1) = (1 + 2 + 4 + 8 + 16) + (31 + 62 + 124 + 248) ;
- 8 128 = 26(27 – 1) = (1 + 2 + 4 + 8 + 16 + 32 + 64) + (127 + 254 + 508 + 1 016 + 2 032 + 4 064).
Depuis, le total est passé à 52 nombres parfaits (puisqu'on ne connaît que 52 nombres de Mersenne premiers, le dernier découvert en octobre 2024[1]) sans même que l'on sache, à partir du 47e, s'il n'y a pas des « trous » (des nombres parfaits intermédiaires non encore découverts)[2],[3].
Les sept premiers nombres parfaits pairs sont donnés dans le tableau suivant[4] :
p | Nombre de Mersenne premier Mp | Nombre parfait 2p–1Mp |
---|---|---|
2 | 3 | 6 |
3 | 7 | 28 |
5 | 31 | 496 |
7 | 127 | 8 128 |
13 | 8 191 | 33 550 336 |
17 | 131 071 | 8 589 869 056 |
19 | 524 287 | 137 438 691 328 |
Propriétés
[modifier | modifier le code]Tout nombre parfait pair se termine par un 6 ou un 8, mais pas forcément en alternance.
En 2000, Douglas Iannucci a démontré que tous les nombres pairs parfaits sont des nombres de Kaprekar en base deux[5].
Les nombres parfaits pairs étant de la forme 2n−1(2n − 1), ce sont des nombres triangulaires (et même hexagonaux) et, en tant que tels, la somme des entiers naturels jusqu'à un certain rang (impair), en l'occurrence 2n − 1. De plus, tous les nombres parfaits pairs, excepté le premier, sont la somme des 2(n−1)/2 premiers cubes impairs. Par exemple :
- 28 = 13 + 33 ;
- 496 = 13 + 33 + 53 + 73 ;
- 8128 = 13 + 33 + 53 + 73 + 93 + 113 + 133 + 153.
La somme des inverses des diviseurs d'un nombre parfait pair est égale à 2.
Nombre parfait impair
[modifier | modifier le code]Aujourd'hui, les mathématiciens ignorent si des nombres parfaits impairs existent. Différents travaux ont été entrepris mais aucun ne permet d'affirmer ou d'infirmer leur existence. En 1496, Jacques Lefèvre a affirmé que tout nombre parfait est de la forme décrite par Euclide[6], ce qui impliquerait bien sûr qu'aucun nombre parfait impair n'existe. En 2003, Carl Pomerance a présenté une méthode heuristique qui suggère qu'aucun nombre parfait impair n'existe[7].
Un nombre parfait impair N doit remplir les conditions suivantes[a]:
- N est supérieur à[8] 101 500.
- N est de la forme
où : - q, p1, … , pk sont des nombres premiers distincts (Euler) ;
- q ≡ α ≡ 1 (modulo 4) (Euler) ;
- le plus petit facteur premier de N est inférieur à[9] (2k + 8) / 3 ;
- la relation e1 ≡ e2 ≡ … ≡ ek ≡ 1 (modulo 3) n'est pas satisfaite[10] ;
- qα > 1062 ou pj2ej > 1062 pour au moins un[8] j ;
- N est inférieur à[11] 24k.
- Si ei ≤ 2 pour tout i :
- N est de la forme 12m + 1 ou 324m + 81 ou 468m + 117[13].
- Le plus grand diviseur premier de N est supérieur à[14] 108.
- Le second plus grand diviseur premier de N est supérieur à[15] 104 et le troisième à[16] 100.
- N se décompose en au moins 101 facteurs premiers[8] dont au moins 10 facteurs premiers distincts[17]. Si 3 n'est pas un diviseur de N, alors N comporte au moins 12 diviseurs premiers distincts[18].
John Voight a trouvé un nombre impair N = n ⋅ p où n et p sont premiers entre eux, p premier et , alors qu'il faudrait pour que N soit parfait impair ( et ) [19],[20]. Il considère alors comme nombre parfait impair négatif.
Propriétés mineures
[modifier | modifier le code]Comme on l'a vu précédemment les nombres parfaits pairs ont une forme bien précise et les nombres parfaits impairs sont rares si tant est qu'ils existent. Il existe un certain nombre de propriétés simples à démontrer sur les nombres parfaits :
- Un nombre parfait n'est pas divisible par 105[21],[b].
- Le seul nombre parfait pair de la forme x3 + 1 est 28[22].
- Un nombre de Fermat ne peut être parfait[23].
- La somme des inverses des diviseurs d'un nombre parfait vaut 2 :
- pour 6, 1/6 + 1/3 + 1/2+ 1/1 = 2 ;
- pour 28, 1/28 + 1/14 + 1/7 + 1/4 + 1/2 + 1/1 = 2.
- Le nombre de diviseurs d'un nombre parfait N (pair ou impair) est pair, puisque N ne peut être un carré parfait[2].
- De ces deux résultats on déduit que tout nombre parfait est un nombre à moyenne harmonique entière.
- En base 10, tous les nombres parfaits pairs se terminent par 6 ou 28 ; en base 9, à la seule exception de 6, ils se terminent tous par 1[24],[25].
- Le seul nombre parfait sans facteur carré est 6.
Notions apparentées
[modifier | modifier le code]Si la somme des diviseurs stricts est plus petite que le nombre, ce nombre est dit déficient. Dans le cas où la somme est plus grande, le nombre est dit abondant. Ces termes sont issus de la numérologie grecque. Un couple de nombres dont chacun est la somme des diviseurs stricts de l'autre est dit amical, les cycles plus étendus sont dits sociables. Un entier positif tel que chaque entier inférieur est la somme de diviseurs distincts du premier nombre est dit pratique.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]- Nombre presque parfait
- Nombre de Descartes (faux nombre parfait impair)
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Dans ce qui suit, désigne le nombre de facteurs premiers distincts de N moins un (soient q et p1 à pk).
- Ce résultat ancien est beaucoup moins précis que ceux connus actuellement (voir supra).
Références
[modifier | modifier le code]- « Mersenne Prime Number discovery - 2136 279 841-1 is Prime! », sur Great Internet Mersenne Prime Search,
- (en) Mersenne primes and perfect numbers sur le site Prime Pages.
- (en) GIMPS Milestones sur le site Great Internet Mersenne Prime Search.
- La ligne p = 11 est absente car M11 n'est pas premier. Pour toute la liste connue, voir « Nombre de Mersenne premier ».
- (en) Douglas E. Iannucci, « The Kaprekar Numbers », Journal of Integer Sequences, vol. 3, 2000, Article 00.1.2.
- (en) Leonard Eugene Dickson, History of the Theory of Numbers (en) [détail des éditions], vol. I, p. 6.
- (en) Oddperfect.org.
- (en) Pascal Ochem et Michaël Rao, « Odd perfect numbers are greater than 101500 », Math. Comp., vol. 81, no 279, , p. 1869-1877 (DOI 10.1090/S0025-5718-2012-02563-4, lire en ligne).
- (de) Otto Grün, « Über ungerade vollkommene Zahlen », Mathematische Zeitschrift, vol. 55, no 3, , p. 353-354 (DOI 10.1007/BF01181133).
- (en) Wayne L. McDaniel, « The non-existence of odd perfect numbers of a certain form », Archiv der Mathematik (Basel), vol. 21, , p. 52-53 (DOI 10.1007/BF01220877).
- (en) Pace P. Nielsen, « An upper bound for odd perfect numbers », Integers, vol. 3, , A14 (lire en ligne).
- (en) Graeme L. Cohen, « On the largest component of an odd perfect number », J. Australian Mathematical Society, vol. 42, no 2, , p. 280-286 (lire en ligne).
- (en) Tim S. Roberts, « On the Form of an Odd Perfect Number », Australian Mathematical Gazette, vol. 35, no 4, , p. 244 (lire en ligne).
- (en) Takeshi Goto et Yasuo Ohno, « Odd perfect numbers have a prime factor exceeding 108 », Math. Comp., (lire en ligne).
- (en) D. E. Iannucci, « The second largest prime divisor of an odd perfect number exceeds ten thousand », Math. Comp., vol. 68, no 228, , p. 1749-1760 (lire en ligne)
- (en) D. E. Iannucci, « The third largest prime divisor of an odd perfect number exceeds one hundred », Math. Comp., vol. 69, no 230, , p. 867-879 (lire en ligne).
- (en) Pace P. Nielsen, « Odd perfect numbers, Diophantine equations, and upper bounds », Math. Comp., vol. 84, , p. 2549-2567 (DOI 10.1090/S0025-5718-2015-02941-X, lire en ligne).
- (en) Pace P. Nielsen, « Odd perfect numbers have at least nine different prime factors », Math. Comp., vol. 76, no 260, , p. 2109-2126 (DOI 10.1090/S0025-5718-07-01990-4, lire en ligne), arXiv:math.NT/0602485.
- (en) « Mathematicians Open a New Front on an Ancient Number Problem », sur Quanta magazine,
- Andersen, Nickolas; Durham, Spencer ; Griffin, Michael J. ; Hales, Jonathan ; Jenkins, Paul ; Keck, Ryan ; Ko, Hankun ; Molnar, Grant; Moss, Eric ; Nielsen, Pace P. ; Niendorf, Kyle ; Tombs, Vandy; Warnick, Merrill ; Wu, Dongsheng, « Odd, spoof perfect factorizations », J. Number Theory, no 234, , p. 31-47 (arXiv 2006.10697) arXiv version
- (de) Ullrich Kühnel, « Verschärfung der notwendigen Bedingungen für die Existenz von ungeraden vollkommenen Zahlen », Mathematische Zeitschrift, vol. 52, , p. 201-211 (lire en ligne).
- (en) A. Makowski, « Remark on Perfect Numbers », Elemente der Mathematik, vol. 17, no 109, .
- (en) Florian Luca, « The anti-social Fermat number », Amer. Math. Monthly, vol. 107, , p. 171-173.
- H. Novarese. Note sur les nombres parfaits, Texeira J. VIII (1886), 11-16.
- (en) Leonard Eugene Dickson, History of the Theory of Numbers (en) [détail des éditions], vol. I, p. 25.