Feuille de laurier
Feuille de laurier
| |
Espèce | Laurus nobilis |
---|---|
Famille | Lauraceae |
Partie utilisée | Feuille |
Origine | Bassin méditerranéen |
Norme ISO | 6576 |
Codex Alimentarius | HH 0723 |
modifier |
La feuille de laurier ou laurier-sauce est un aromate méditerranéen issu des feuilles fraîches ou sèches de Laurus nobilis[1]. On en extrait une huile essentielle.
Risque de confusion
[modifier | modifier le code]Laurus nobilis ne doit pas être confondu avec ses homonymes le laurier-rose (Nerium oleander) ni avec le laurier-cerise (Prunus laurocerasus) qui sont tous deux toxiques.
Histoire
[modifier | modifier le code]L'analyse des distances génétiques entre lauriers-sauce méditerranéens laisse penser qu'il a existé deux zones de domestication assez récente avec deux populations : la zone occidentale (France, Tunisie, Algérie) et l'orientale avec deux sous-populations anatoliennes qui aurait des représentants en Espagne[2].
Antiquité
[modifier | modifier le code]Il est utilisé comme aromatique culinaire durant l'antiquité : Caton met de la feuille de laurier sous ses gâteaux pendant la cuisson, la feuille intervient dans cinq recettes d'Apicius (dans l'huile de Liburne, vase passé à la fumée de laurier pour le garum, autour des crépinettes, dans la cuisson du jambon, et dans le porcelet au laurier - porcellum laureatum) et les baies dans cinq autres (foie-gras, cuissot de sanglier, chevreau au laurier et au lait)[3]. À noter qu'il utilise du laurier frais dans le porcelet qui doit « être bourré de laurier vert », dans l'huile ce sont des « feuilles fraîches »[4].
Quant à son utilisation médicale : « Les anciens le regardaient comme utile dans un grand nombre de maladies... pour combattre tous les poisons, les morsures des serpents, des scorpions et des autres animaux venimeux... pour remédier à l'infection de l'air. À Athènes, des branches de laurier et d'acanthe suspendues à la porte d'une maison, annonçaient qu'elle renfermait un malade... Les buveurs, en mettant des feuilles de laurier dans leur vin, croyaient pouvoir éviter l'ivresse... L'infusion des feuilles excite l'appétit. Cuites dans du vin, on les a appliquées sur des meurtrissures, sur des engorgements, pour les dissiper. » Dictionnaire des sciences médicales (1818)[5].
Les vertus sédatives de la feuille de laurier lui valent son pouvoir divinatoire (la pythie mange du laurier avant de donner ses oracles) et provoquent l'inspiration poétique d'Hésiode[5],[6],[7].
Époque moderne
[modifier | modifier le code]En français, le nom de laurier-sauce - qui indique bien son usage - se rencontre depuis la mi XVIIIe siècle. L'Encyclopédie (1765) le mentionne utilisé en Bourgogne[8]. Le traité de Médecine de Vicq d'Azyr et Moreau de la Sarthe (1787) écrit : «Les cuisiniers en mettent dans les sauces, dans les ragoûts d'un goût un peu relevé; s'en servent pour faire cuire les jambons, les pâtés, les poissons de là le nom de laurier-sauce, laurier-jambon... Les feuilles et les baies du laurier doivent-être regardées comme propres à fortifier l'estomac, à faciliter les digestions, à dissiper les vents »[9]. Le terme laurier-jambon tombe en désuétude début XXe siècle, en revanche celui de laurier-sauce est largement utilisé au XXIe siècle[10],[11].
Utilisation
[modifier | modifier le code]Depuis des milliers d'années la feuille de laurier est utilisé comme aromate alimentaire, source d'huile essentielle et en médecine traditionnelle.
Aromate
[modifier | modifier le code]Marie-Pierre Arvy et François Gallouin (2003) énumèrent : « marinades, pâtés, potées, vin chaud , bouquet-garni, court bouillon, terrines, gibiers, crustacés, estouffades, légumes, pot au feu, sauces »[12]. Mais aussi pour cuire les haricots, dans le hachis, dans les huiles, les fromages, les cornichons, avec le gigot, pour conserver et parfumer les figues sèches ou les raisins, pour relever la polenta et les omelettes, pour conserver et affermir le poisson frit à l'huile[13],[14],[15],[16],[6].
Et toujours avec son traditionnel associé : le thym.
Le rosolio di alloro (Laurino) est une liqueur de feuille de laurier sicilienne, elles parfument aussi les ratafias et le café des bédouins[17],[18],[19].
Ethnomédecine
[modifier | modifier le code]Les propriétés antibactériennes, antifongiques, antidiarrhéique (démontré chez le rat), analgésique, antidiabétiques et anti-inflammatoires de l'infusion de feuilles de laurier sont le plus souvent citées[20],[21],[22],[23]. Les composés phénoliques (antioxydants et antiradicalaires) sont un des principaux groupes de composés actifs[24].
Une expérimentation (2020) sur trente volontaires a montré qu'un thé de laurier dosé 5 g de feuilles sèches pour 100 ml d'eau administré pendant 10 jours améliore le profil lipidique sanguin[20].
On attribue aussi à la feuille de laurier des vertus les plus diverses : faire repousser les cheveux ou lutter contre les cheveux gras, soulager les pieds qui transpirent, etc.[25].
Fraîche ou sèche ?
[modifier | modifier le code]Jerry Traunfeld écrit que la feuille fraîche est « incomparable... si vous n'avez jamais senti une feuille de laurier fraîchement écrasée, votre première impression est une révélation, douce, rafraîchissante avec une touche de muscade et de cardamome, de vanille, de citron et de pin... totalement différente du parfum approximatif de la feuille sèche cassante »[26]. Pour le moins on sait que la congélation et la lyophilisation entraînent des pertes substantielles d'arôme de la feuille de laurier[27]. Le séchage à l'air à température ambiante modifie la composition mais donne le meilleur résultat pour les composés bio-actifs[28].
Huile essentielle
[modifier | modifier le code]L'huile de laurier est une huile volatile extraite par pression des baies de préférence fraîches, elle est utilisée dans le savon d'Alep, alors que l'huile essentielle est extraite de la feuille en général par entraînement à la vapeur[29],[30],[31]. On utilise aussi en pharmacie des extraits aqueux, à l'éthanol et l'extrait d'acétate d'éthyle (aux vertus anti-mutagènes)[6].
La feuille de laurier contient de 0,8% à 3% d'huile essentielle. Elle est anticonvulsive, analgésique et anti-inflammatoire chez la souris[6].
Les principaux composants de l'huile essentielle varient selon la provenance : on mentionne l'eucalyptol ou 1,8-cinéole (18 à 31,9%), l'acétate d'α-terpinyle (13,1 à 21.6%), le sabinène (7,8% à 12.2%), le méthyleugénol aromatique caractéristique (16,9%), le linalol (10,2%), l'α-pinène (4,5%)[32],[33],[34].
Ses indications traditionnelles comprennent les bronchites, les sinusites chroniques, les grippes, les mycoses cutanées, gynécologiques et digestives, les gingivites, aphtes et parodontoses[35].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Jerry Traunfeld, The Herbfarm Cookbook, Simon and Schuster, (ISBN 978-1-4767-6250-0, lire en ligne), p. 387
- (en) H. Marzouki, N. Nasri, B. Jouaud et C. Bonnet, « Population Genetic Structure of Laurus nobilis L. Inferred From Transferred Nuclear Microsatellites », Silvae Genetica, vol. 58, nos 1-6, , p. 270–276 (DOI 10.1515/sg-2009-0034, lire en ligne, consulté le )
- « Caton : de re rustica : texte latin », sur remacle.org (consulté le )
- Apicius, Art culinaire, Paris, Belles Lettres, , 236 p., voir index plantarum
- Dictionaire des sciences médicales, par une société de médecins et de chirurgiens: ...: KAL-LET, C.L.F. Panckoucke, éditeur, rue Serpente, n° 16, (lire en ligne), p. 318 et suivantes
- (en) Saima Batool, Rasheed Ahmad Khera, Muhammad Asif Hanif et Muhammad Adnan Ayub, « Bay Leaf », Medicinal Plants of South Asia, , p. 63–74 (PMCID 7152419, DOI 10.1016/B978-0-08-102659-5.00005-7, lire en ligne, consulté le )
- Pierre Waltz, « Note sur la Théogonie v. 22 sq. », Revue des Études Grecques, vol. 27, no 123, , p. 229–235 (DOI 10.3406/reg.1914.6789, lire en ligne, consulté le )
- Denis Diderot, Encyclopédie: ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, (lire en ligne)
- Jacques-Louis (1771-1826) Auteur du texte Moreau, Médecine : contenant : 1° l'hygiène, 2° la pathologie, 3° la séméiotique et la nosologie, 4° la thérapeutique ou matière médicale, 5° la médecine militaire, 6° la médecine vétérinaire, 7° la médecine légale, 8° la jurisprudence de la médecine et de la pharmacie, 9° la biographie médicale.... Tome 8 / mise en ordre et publiée par M. Vicq d'Azyr [et continuée par M. Moreau (de la Sarthe)], 1787-1830 (lire en ligne)
- Société nantaise d'horticulture Auteur du texte, « Société nantaise d'horticulture... », sur Gallica, (consulté le )
- (en) « Google Books Ngram Viewer », sur books.google.com (consulté le )
- Marie-Pierre Arvy et François Gallouin, Épices, aromates et condiments, Humensis, (ISBN 978-2-7011-8648-1, lire en ligne)
- François-Pierre de La Varenne, Nouveau cuisinier françois, ou L'école des râgouts, où est enseigné la maniere d'apprêter toutes sortes de viandes, de pâtisseries & confitures. Par le sieur de La Varenne, écuyer de cuisine de monsieur le marquis d'Uxelles. Nouvelle édition, revuë, corrigée, & augmentée, chez Léonard de La Roche, Libraire, (lire en ligne)
- Joseph FAVRE, Dictionnaire universel de cuisine pratique, Place des éditeurs, (ISBN 978-2-258-08877-1, lire en ligne)
- Alexis François Aulagnier, Dictionnaire des Substances alimentaires et de leurs Propriétés, Pillet Ainé, (lire en ligne)
- Charles Estienne, L'agriculture et maison rustique de maîtres Charles Estienne et Jean Liébault: revue et augmentée, mise de nouveau dans un meilleur langage, plus correcte que les précédentes ; avec un traité des chasses du cerf, du sanglier, du lièvre du renard, du bléreau, du lapin, du loup, des oiseaux, de la fauconnerie ; et de la fabrique et usage de la jauge ou diapason, avec les figures, chez André Laurens, (lire en ligne)
- (it) Taniuccia, « Rosolio di alloro (Laurino) », sur Taniuccia e i suoi Pasticci, (consulté le )
- (en) « A sweet temptation », sur www.luganoregion.com (consulté le )
- François Couplan, Le régal végétal: plantes sauvages comestibles, Editions Ellebore, (ISBN 978-2-86985-184-9, lire en ligne), p. 66
- (en) Chahra Chbili, Maher Maoua, Mejda Selmi et Sawssen Mrad, « Evaluation of Daily Laurus nobilis Tea Consumption on Lipid Profile Biomarkers in Healthy Volunteers », Journal of the American College of Nutrition, vol. 0, no 0, , p. 1–6 (ISSN 0731-5724, PMID 32213118, DOI 10.1080/07315724.2020.1727787, lire en ligne, consulté le )
- Esam Y. Qnais, Fuad A. Abdulla, Eziden G. Kaddumi et Shtaywy S. Abdalla, « Antidiarrheal Activity of Laurus nobilis L. Leaf Extract in Rats », Journal of Medicinal Food, vol. 15, no 1, , p. 51–57 (ISSN 1096-620X, DOI 10.1089/jmf.2011.1707, lire en ligne, consulté le )
- (en) M. Sayyah, G. Saroukhani, A. Peirovi et M. Kamalinejad, « Analgesic and anti-inflammatory activity of the leaf essential oil of Laurus nobilis Linn. », Phytotherapy Research, vol. 17, no 7, , p. 733–736 (ISSN 1099-1573, DOI 10.1002/ptr.1197, lire en ligne, consulté le )
- (en) Saima Batool, Rasheed Ahmad Khera, Muhammad Asif Hanif et Muhammad Adnan Ayub, « Chapter 5 - Bay Leaf », dans Medicinal Plants of South Asia, Elsevier, (ISBN 978-0-08-102659-5, lire en ligne), p. 63–74
- (en + ru) Dmitry A. Konovalov et Naida M. Alieva, « Phenolic compounds of Laurus nobilis (review) », Фармация и фармакология, vol. 7, no 5 (eng), (ISSN 2307-9266, lire en ligne, consulté le )
- Murielle Toussaint, D'ici ou d'ailleurs, les épices qui guérissent, Éditions Leduc.s, (ISBN 979-10-285-1401-3, lire en ligne)
- (en) Jerry Traunfeld, The Herbfarm Cookbook, Simon and Schuster, (ISBN 978-1-4767-6250-0, lire en ligne)
- M. Consuelo Díaz-Maroto, M. Soledad Pérez-Coello et M. Dolores Cabezudo, « Effect of Drying Method on the Volatiles in Bay Leaf (Laurus nobilis L.) », Journal of Agricultural and Food Chemistry, vol. 50, no 16, , p. 4520–4524 (ISSN 0021-8561, DOI 10.1021/jf011573d, lire en ligne, consulté le )
- (en) Ibtissem Hamrouni Sellami, Wissem Aidi Wannes, Iness Bettaieb et Sarra Berrima, « Qualitative and quantitative changes in the essential oil of Laurus nobilis L. leaves as affected by different drying methods », Food Chemistry, vol. 126, no 2, , p. 691–697 (ISSN 0308-8146, DOI 10.1016/j.foodchem.2010.11.022, lire en ligne, consulté le )
- Céline Couteau Et Laurence Coiffard, Dictionnaire égoïste des cosmétiques, Editions Edilivre, (ISBN 978-2-334-11228-4, lire en ligne)
- Eugène Soubeiran, Nouveau traité de pharmacie théorique et pratique, Societe Belge de Librairie, (lire en ligne)
- (en) Azin Taban, Mohammad Jamal Saharkhiz et Mehrdad Niakousari, « Sweet bay (Laurus nobilis L.) essential oil and its chemical composition, antioxidant activity and leaf micromorphology under different extraction methods », Sustainable Chemistry and Pharmacy, vol. 9, , p. 12–18 (ISSN 2352-5541, DOI 10.1016/j.scp.2018.05.001, lire en ligne, consulté le )
- (en) Omer Elkiran, Emel Akbaba et Eyup Bagci, « Constituents of essential oils from leaves and seeds of Laurus nobilis L.: A chemotaxonomic approach », Bangladesh Journal of Botany, vol. 47, no 4, , p. 893–901 (ISSN 2079-9926, DOI 10.3329/bjb.v47i4.47379, lire en ligne, consulté le )
- (en) Lucia Caputo, Filomena Nazzaro, Lucéia Fatima Souza et Luigi Aliberti, « Laurus nobilis: Composition of Essential Oil and Its Biological Activities », Molecules, vol. 22, no 6, , p. 930 (DOI 10.3390/molecules22060930, lire en ligne, consulté le )
- (en) Bekhti Nabila, Alessandra Piras, Belabdelli Fouzia et Danilo Falconieri, « Chemical composition and antibacterial activity of the essential oil of Laurus nobilis leaves », Natural Product Research, vol. 0, no 0, , p. 1–5 (ISSN 1478-6419, PMID 33111582, DOI 10.1080/14786419.2020.1839450, lire en ligne, consulté le )
- Dominique Baudoux, Huiles essentielles chémotypées, Amyris (ISBN 9782875521026), p. 52
Voir aussi
[modifier | modifier le code]- La famille des Lauraceae compte dans un autre genre (Persea) une autre plante, l'avocatier Persea americana, dont la feuille est un aromate utilisée comme la feuille de laurier : la feuille d'avocat. (es) « Hoja de aguacate - 68 recetas caseras », sur Cookpad (consulté le ).
- Remarquable synthèse des connaissances (2020) qui traite des feuilles de laurier : Bay Leaf dans Medicinal Plants of South Asia : [1]
- La fable du thym et du laurier de Théodore Lorrin [2] (Le Courrier de Bourges, 25 avril 1856)
« Un laurier, comparant sa brillante tournure
avec l'humble et frêle stature
d'un pauvre thym, qui d'aventure
se trouvait près de lui placé dans le jardin
le regardait d'un air hautain
raillait sa taille, sa figure
et le traitait de vilain petit nain... » (ils finissent égaux dans la même casserole)