Une publication dans Neuromorphic Computing and Engineering

Un nouveau neurone à impulsions réduit l'écart entre neurones biologiques et artificiels



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©️ Illustration generated using DALL-E by OpenAI, with the assistance of ChatGPT – May 27th 2024

Des ingénieurs de l'Université de Liège ont franchi une étape majeure dans l'architecture des réseaux neuronaux artificiels en créant un nouveau type de neurone à impulsions. Appelé Spiking Recurrent Cell (SRC), ce modèle novateur allie la simplicité d'implémentation et la capacité à reproduire la dynamique des neurones biologiques. Ajoutant à cela l’efficacité énergétique souvent mise en avant des neurones à impulsions, ce nouveau modèle offre de nouvelles perspectives intéressantes en termes d’intelligence artificielle neuro-inspirée. Cette étude est publiée dans Neuromorphic Computing and Engineering (IOP Science) et est disponible en libre accès. 

L

es réseaux de neurones artificiels (Artificial Neural Networks ou ANNs) et les réseaux de neurones à impulsions (Spiking Neural Networks ou SNNs) sont deux types de réseaux neuronaux utilisés en intelligence artificielle. Ils diffèrent toutefois de manière significative dans leur structure, leur fonctionnement et leurs applications. 

Les ANNs sont largement utilisés pour une variété d'applications d'apprentissage automatique (reconnaissance d'image, reconnaissance vocale, jeux) et sont relativement plus faciles à mettre en œuvre. Cependant, ils sont assez gourmands en énergie et en ressources de calculs. Les SNNs quant à eux sont utilisés dans des applications nécessitant une sensibilité au timing précis des événements (robotique, interface cerveau-ordinateur, traitement sensoriel) et offrent une modélisation plus réaliste des processus neuronaux biologiques. Ils se distinguent des ANNs par le mode de communication entre neurones, basé exclusivement sur des impulsions (spikes), imitant ainsi le fonctionnement des neurones biologiques. « Leur principal avantage est leur efficacité énergétique », explique Florent De Geeter, ingénieur à l'Institut Montefiore de l'Université de Liège. « En effet, lorsque ces SNNs sont exécutés sur du matériel spécifique - dit neuromorphique -, leur consommation énergétique devient extrêmement faible. Cette caractéristique permet l’utilisation de tels réseaux dans des situations où l’efficacité énergétique est primordiale comme dans les systèmes embarqués, des systèmes informatiques et électroniques autonomes qui exécutent une tâche précise au sein de l'appareil auquel il est intégré.» 

Contrairement au ANNs, les SNNs sont difficilement entrainables et les recherches actuelles se concentrent sur la conception d'algorithmes d’entrainement afin de leur permettre de rivaliser avec les ANNs sur des tâches complexes. Dans le cadre d'un projet ambitieux mené à l'ULiège, des chercheurs ont tenté une nouvelle approche : en modifiant la dynamique d'un type de neurones bien connu et facile à entraîner, ils ont réussi à imiter le comportement des neurones biologiques, ce qui a donné naissance à un nouveau modèle : la Spiking Recurrent Cell (SRC) ou cellule récurrente à impulsions. 

SRC : un pont entre ANNs et SNNs 

« L'innovation majeure de cette étude réside dans la conception de cette Spiking Recurrent Cell (SRC) », reprend Damien Ernst, professeur à l'ULiège et co-auteur de l'étude, « un modèle de neurone capable de générer des impulsions de manière autonome, à l'instar des neurones biologiques. Contrairement aux modèles classiques de SNNs où les impulsions sont générées artificiellement, le modèle SRC permet une émulation plus naturelle et dynamique des impulsions neuronales (aussi appelés potentiels d’actions ou spikes). » 

Ce nouveau modèle permet d'intégrer les algorithmes d'apprentissage sophistiqués des ANNs avec l'efficacité énergétique des SNNs. Ainsi, les SRCs offrent une solution hybride, combinant les avantages des deux types de réseaux neuronaux et ouvrant la voie à une nouvelle génération de SNNs. 

Implications et applications futures 

Les applications potentielles des SRCs sont vastes. En raison de leur efficacité énergétique, les SNNs peuvent être utilisés dans des contextes où la consommation énergétique est critique, comme les systèmes embarqués dans les véhicules autonomes. « De plus, la capacité du modèle SRC à simuler divers comportements neuronaux en ajustant ses paramètres internes rend ces réseaux plus expressifs et proches des réseaux biologiques, permettant des avancées significatives dans la compréhension et la reproduction des fonctions cérébrales », se réjouit Guillaume Drion, directeur du Laboratoire d'Ingénierie neuromorphique de l'ULiège et co-auteur de l'étude. 

La création et l'introduction de la Spiking Recurrent Cell représente une avancée significative dans le domaine des réseaux neuronaux, combinant les points forts des ANNs et des SNNs. Une innovation qui ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de systèmes intelligents plus performants et économes en énergie. 

Référence scientifique  

Florent De Geeter, Damien Ernst et Guillaume Drion, Spike-based computation using classical recurrent neural networks,  In Neuromorphic Computing and Engineering, 4 (2), p. 024007. Publication en accès libre

Contacts

Florent De Geeter  

Damien Ernst 

Guillaume Drion 

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