Pas un début de regret, ni une once de remords. Malgré les injonctions d’un président qui n’a cessé de lui signifier ce qu’impliquait son geste, malgré les propos des avocats de la partie civile et du substitut du procureur, qui ont rappelé l’Histoire et invoqué la mémoire de ceux tombés pour la France, rien n’y a fait. Dans une dernière parole, le retraité de 69 ans s’est même permis d’en rajouter. « Dans cette salle, j’ai eu l’impression de descendre dans une arène, et mon salut a rappelé celui des gladiateurs. Je n’ai pas du tout l’âme d’un nazi, je ne vois pas ce que l’on peut me reprocher ».
« Je ne suis plus à ça près »
Rien d’étonnant finalement de la part d’un homme qui estime n’avoir « rien à perdre » compte tenu, selon lui, de son cancer. « J’ai la peine capitale, je ne suis donc plus à ça près ». Un retraité de l’agriculture qui a longtemps nié le salut nazi qui lui était reproché, avant d’être confondu par la vidéo d’un portable. Imparable.
Nous sommes le 31 mai lors d’une réunion publique à Rosporden (29) sur l’extrême-droite et la liberté de la presse et l’intervention de Jean-Yves Queinnec, ancien membre du Front national et candidat aux législatives de 2017 sous l’étiquette de l’Union des Patriotes, s’achève sous les huées du public. Excédé, il s’était levé et avait ponctué son discours d’un « Heil Hitler », la main droite effectuant le salut nazi. Les gendarmes, qui l’ont interpellé le lendemain, ont retrouvé un exemplaire de « Mein Kampf » à son domicile de Saint-Yvi (29).
La liberté d’expression invoquée
« Oui, je l’ai fait », a donc concédé le prévenu à l’audience, poursuivi pour apologie publique de crime ou de délit. Non sans s’expliquer, de manière très décousue. « Ils se sont tous mis contre moi, poing levé et en chantant la lutte finale. C’était une provocation. Moi, j’avais remis les pendules à l’heure en citant des chiffres sur les migrants, cette invasion, le côté financier. Je suis un battant, un patriote, je défends mon pays, il faut du contradictoire. C’est la liberté d’expression ».
« Cette liberté d’expression a des limites, lui a rappelé Me Prigent pour la Ligue des droits de l’Homme. Ce que vous avez invoqué renvoie à une réalité, dans le lieu même où neuf otages ont été tués par des Allemands en août 1944 ». Le président Christophe Le Petitcorps hausse le ton. « Nous sommes au-delà de la provocation, il faut avoir de la mémoire. Je ne vais pas vous rappeler tout ce que les nazis nous ont fait subir ».
« Un dérapage grave, sans préméditation » plaide son avocat
Me Gentric plaide, lui, la thèse du « dérapage grave, sans préméditation. Il a cherché à choquer, comme cela se fait de plus en plus aujourd’hui ». « Pure bravade, plaisanterie de mauvais goût ou glorification des idées du mouvement nazisme ? », s’est interrogé le représentant du parquet, Matthieu Filié. Suivi dans l’idée par le défenseur du journaliste Erwan Chartier-Le Floc’h. « Il est venu nier l’Histoire et exprimer toute son affection à la personne d’Hitler. On attend une prise de conscience ». Il attendra longtemps.
Le retraité, 14 mentions au casier depuis 1993, pour des destructions, menaces de mort, extorsions, faux en écriture ou outrages, a été condamné à six mois de prison avec sursis. Il devra verser 600 € à chacune des parties civiles. Son exemplaire de « Mein Kampf » est confisqué.