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Dossier - Cultures olympiques. Appropriations, pratiques, représentations
Les défis du XXIe siècle

Jeux vidéo et Jeux olympiques : soixante ans d’interactions entre vidéoludification, olympisation et controverses

Video games and Olympic Games : sixty years of interactions between video gamification, olympisation and controversies
Flavie Falais

Résumés

À partir des années 1970, plusieurs jeux vidéo à thématique olympique voient le jour : si les premiers opus sont d’abord des rudimentaires clones du célèbre Pong, d’autres titres plus tardifs participent à l’élaboration d’un genre à part entière, aujourd’hui sur le déclin. Ainsi, avec le succès des jeux vidéo de sport et le développement des Jeux privatisés de Los Angeles 1984, naissent les premiers partenariats officiels entre jeux vidéo et mouvement olympique. Cet article étudie les rapports entre ces deux pôles, en retraçant le fil de leurs interactions successives, de la vidéoludification des Jeux olympiques à l’olympisation du jeu vidéo. Il examine les intérêts et objectifs mutuels de cette association, et interroge également les limites d’un tel partenariat, soulevant ainsi des questions d’ordre éthique, pragmatique et stratégique, qui font écho aux contradictions du mouvement olympique déjà identifiées à d’autres échelles.

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Texte intégral

  • 1 Voir Liège Game Lab, Culture vidéoludique  !, Liège, Presses universitaires de Liège, 2019 et Selim (...)
  • 2 Nous distinguons ce terme de la ludification (ou gamification), qui désigne l’utilisation de mécani (...)
  • 3 Roger Caillois, Les Jeux et les hommes : le masque et le vertige, Paris, Gallimard, 1958.
  • 4 Voir Kalle Jonasson, Jesper Thiborg, « Electronic sport and its impact on future sport », Sport in (...)
  • 5 Voir Nelson Todt, André Fagundes Pase, Alessandra Scarton, Luis Henrique Rolim, Guilherme Ziliotto (...)
  • 6 Cristina Comeras-Chueca, Lorena Villalba-Heredia, Marcos Pérez-Llera, Gabriel Lozano-Berges, Jorge (...)
  • 7 Rohit Singh, Gopikanthan Manoharan, Thomas Steven Moores et Amit Patel, « Nintendo Wii related Achi (...)
  • 8 Salvador Pérez-Muñoz, Antonio Sánchez-Muñoz, José Manuel De Mena Ramos et Alberto Rodríguez-Cayetan (...)
  • 9 Il s’agit du processus et des techniques de conception de jeux vidéo.
  • 10 Fred Mason, « Mario and Sonic at the Olympic Games: Consuming the Olympics through Video Gaming », (...)
  • 11 Leonardo Mataruna, Vanissa Wanick, Andressa Guimarães-Mataruna, « Legados de games, advergames e me (...)

1Le 21 août 2016, à l’occasion de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques d’été de Rio de Janeiro, un événement suscite tout autant l’amusement que l’étonnement : le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, apparaît au centre du stade Maracanã, émergeant d’un tuyau vert vêtu d’une salopette bleue et d’une casquette rouge. On reconnaît Mario, le célèbre personnage de Nintendo, géant nippon du jeu vidéo, scellant ainsi le passage de témoin entre le Brésil et le Japon pour les Jeux de Tokyo 2020. Si à première vue, l’association entre ces deux mondes peut surprendre, elle opère en réalité depuis les années 1970, et sous plusieurs formes : toute tentative visant à définir ce qu’est le jeu vidéo se heurte d’ailleurs à l’ampleur de la tâche – que l’on s’en tienne à ses acceptions les plus consensuelles (jeu, médium, loisir, logiciel, culture) ou que l’on s’intéresse à ses sens les plus débattus (art, outil pédagogique et/ou thérapeutique, sport) – il existe possiblement autant de définitions que de joueuses et de joueurs. Pour notre analyse, nous nous concentrerons sur deux paramètres : sa dimension culturelle1 et son potentiel sportif. Ainsi, les relations entre mouvements olympique et vidéoludique peuvent être décrites selon deux phases : d’une part, la vidéoludification2 de l’olympisme – soit l’adaptation en jeu vidéo de pratiques olympiques – et d’autre part l’olympisation du jeu vidéo – soit l’intégration du jeu vidéo comme discipline olympique – principalement via la question de l’esport, la pratique du jeu vidéo en compétition. Ces deux sphères ont en effet en partage le ludus, cette disposition du jeu sous contraintes à l’origine de l’établissement de règles, mais aussi l’agôn, c’est-à-dire sa dimension compétitive, tous deux décrits par Roger Caillois3. Cette dernière domine par ailleurs l’étude des rapports entre jeux vidéo et Jeux olympiques, principalement étudiés au prisme de l’esport et cherchant à répondre à deux questions principales : « L’esport est-il un sport ?4 » et « L’esport peut-il devenir une discipline olympique5 ? » Dans le cadre de cette étude, nous ne chercherons pas à apporter de contribution à ce débat, mais nous considérerons l’hypothèse d’une intégration sportive du jeu vidéo aux Jeux olympiques. Du côté de la vidéoludification, on compte quelques rares études dédiées à l’analyse de jeux vidéo à thème olympique, s’intéressant tout particulièrement à la licence Mario & Sonic aux Jeux Olympiques – sur laquelle nous reviendrons – étudiée aux prismes de la santé6, de la motricité7, de l’éducation physique et sportive8 ou encore du game design9. Toutefois, ces études se positionnent principalement du côté de l’analyse vidéoludique, laissant de côté la dimension olympique, avec deux exceptions notables : un article de Fred Mason10 et un autre de Leonardo Mataruna, Vanissa Wanick et Andressa Guimarães-Mataruna11, sur la question de la commercialisation des produits olympiques.

  • 12 Nous tenons à saluer le travail autour de MobyGames, Retro Magazine Search et Abandonware France, p (...)
  • 13 Nicolas Besombes, « D’une pratique confidentielle à un spectacle planétaire », Panard, 3-1, 2023, p (...)

2Dans ce cadre, nous proposons de retracer l’histoire des rapports entre jeux vidéo et Jeux olympiques : à partir d’un inventaire des titres vidéoludiques s’y rapportant et d’une analyse de la documentation du CIO (rapports, communiqués de presse, chartes) et de la presse généraliste et spécialisée12, nous étudierons les modalités d’interaction entre ces deux pôles, en questionnant l’intérêt mutuel d’un tel rapprochement. Nous nous appuierons sur deux hypothèses de départ : du côté du jeu vidéo, il participerait de sa progressive légitimation institutionnelle, tandis que du côté olympique, il remplirait plusieurs objectifs, initialement décrits par Nicolas Besombes spécifiquement concernant l’esport, à savoir « rajeunir leurs audiences, attirer de nouvelles générations de pratiquants, créer de nouvelles opportunités de partenariats économiques ou encore entamer leur transition numérique13 ». Dans un premier temps, nous analyserons le processus de vidéoludification des Jeux olympiques, puis nous nous intéresserons à l’olympisation du jeu vidéo, avant de nous interroger sur les enjeux d’une telle association.

La vidéoludification de l’olympisme

Préhistoire des interactions ludiques

  • 14 Jacques Henno, Les Jeux vidéo, Paris, Le Cavalier Bleu, 2002, p. 33.
  • 15 L’entreprise sud-coréenne est l’organisatrice des WCG – via sa filiale ICM – mais elle est aussi un (...)
  • 16 L’un des tout premiers jeux video étant Tennis for Two (William Higinbotham, 1958).
  • 17 Voir le chapitre 12 « The Battle for the Home » de l’ouvrage de Steven L. Kent, The Ultimate Histor (...)

3Dans l’histoire des relations entre jeux vidéo et Jeux olympiques, le domaine vidéoludique est à l’initiative. D’abord, avec l’organisation des Intergalactic Spacewar Olympics à l’Université de Stanford en 1972 – considérés comme le premier tournoi de jeux vidéo – puis avec le développement des World Cyber Games (WCG) dès 2000 et de l’eSports World Convention (ESWC) à partir de 2003 – parfois regardés comme les « Jeux olympiques du jeu vidéo » – dans le cadre desquels Jacques Henno relève dès 200214 des premières discussions entre le CIO et Samsung15. Dans la même période – bien avant que la question de l’intégration du jeu vidéo aux Jeux olympiques ne se pose –, une phase de vidéoludification des Jeux olympiques s’opère, dans la lignée du développement du médium et des tous premiers jeux, dont la thématique sportive émerge immédiatement16. Le premier succès populaire du genre, Pong (Allan Alcorn, Atari Inc., 1972), amorce une période de règne quasi sans partage pour Atari jusqu’à la crise de 198317. L’intérêt des joueurs pour ce titre encourage la création de « clones », parmi lesquels Video Olympics (Joe Decuir, Atari Inc., 1977), que l’on peut qualifier de premier jeu vidéo à thématique olympique.

Figures 1 et 2. Captures d’écran des modes « Pong » et « Hockey Pong »

Jeu Video Olympics sur Atari 2600

  • 18 Du nom du double médaillé d’or en 1980 et 1984 dans la discipline.

4Très rudimentaire, il s’appuie essentiellement sur des variations de Pong, regroupant une cinquantaine de disciplines, telles que le football ou le basket-ball, et permet une pratique en multijoueur. Dès lors, les jeux multisports foisonnent, notamment via le décathlon : Olympic Decathlon (Timothy W. Smith, Microsoft, 1980) – premier jeu dont la date de sortie coïncide avec une édition des Jeux (Moscou 1980) – puis The Activision Decathlon (David Crane, Activision, 1983) et surtout Daley Thompson’s18 Decathlon (Ocean Software, 1984), sorti parallèlement aux Jeux de Los Angeles en 1984. Ce dernier se mue en licence propre, avec deux autres opus, dont Daley Thompson’s Olympic Challenge sorti en 1988, pour l’édition d’été de Séoul. On relève alors deux éléments que l’on retrouvera plus tard, déjà en germe ici : le premier, s’appuyer sur une figure populaire pour porter la licence – ici, l’athlète – et le second, prévoir une sortie concomitante aux éditions des Jeux.

  • 19 Boris Urbas, « Le fil de la nostalgie dans les médiatisations contrastées du passé du jeu vidéo : e (...)
  • 20 Certains jeux disposent de plusieurs noms selon les pays : nous ferons apparaître le nom d’usage en (...)

5La décennie 1980 est ensuite marquée par la création de la franchise culte Track & Field en 1983, avec des publications jusque dans les années 2000, bénéficiant du regain d’intérêt pour le retrogaming19 avec des rééditions sur consoles dernières générations. Plusieurs épreuves olympiques y sont à nouveau jouables, comme le 100m ou le saut en longueur. Le premier du nom, Track & Field [Hyper Olympics] (Konami, 1983)20 est un succès commercial, ce qui parvient probablement à convaincre les instances olympiques de son intérêt puisque l’année suivante, la version japonaise d’Hyper Sports [Hyper Olympic ’84] (1984) est officiellement labellisée par le CIO, inaugurant ainsi un partenariat commercial entre les mondes olympiques et vidéoludiques.

Un partenariat stratégique

  • 21 Michel Caillat, Jean-Marie Brohm, Les Dessous de l’olympisme, Paris, La Découverte, 1984.

6Le rapprochement de ces deux pôles en 1984 ne relève pas du hasard : il s’inscrit dans un tournant majeur pour les Jeux, parachevant une évolution de son modèle économique ouvrant la voie au sponsoring et bénéficiant désormais du dispositif des droits de retransmission audiovisuels, dont le point d’acmé est atteint aux Jeux de Los Angeles 1984, qui pour la première fois ne sont pas organisés par une ville ou un État, mais par un Comité privé21. Cette année coïncide également avec le déploiement de l’entreprise japonaise Konami en Occident, qui, après les États-Unis, s’installe en Europe. Les deux instances vont donc s’associer, dans une même logique : développer leur influence et leur capital économique. Une association de courte durée, puisqu’en parallèle, l’états-unien Epyx remporte un franc succès commercial avec Summer Games (Epyx, 1984), Summer Games II (Epyx, Epyx/US Gold, 1985), Winter Games (Epyx, Epyx/US Gold, 1985), World Games (Epyx, Epyx/US Gold, 1986) et California Games (Epyx, Epyx/US Gold, 1987). Ces jeux ne mettent pas uniquement en scène des disciplines d’actualité olympique : on retrouve par exemple la nage sous l’eau dans Summer Games – une discipline oubliée du début du XXe siècle et disparue du programme dès 1908 – ou encore le BMX et le surf dans California Games, qui ne deviendront disciplines olympiques qu’en 2008 et 2020. Le jeu vidéo peut donc ici jouer un rôle paradoxal d’accompagnement de légitimation d’une pratique sportive par sa mise en scène vidéoludique et son exposition médiatique, dans des jeux à grand succès commercial. C’est précisément ce dernier point qui convainc le CIO de changer de partenaire en 1988 : deux nouveaux jeux développés par Epyx et inspirés de ses opus précédents obtiennent la labellisation olympique, c’est-à-dire le soutien officiel de l’organisation, dès l’édition suivante avec The Games: Winter Edition (Epyx, Epyx/US Gold, 1988) et The Games: Summer Edition (Epyx, Epyx/US Gold, 1988), dans leur version états-unienne.

7Après ces deux tentatives concluantes, le CIO transforme l’essai en passant commande à Epyx et Tiertex Design de deux premiers jeux officiels, autrement dit produits spécifiquement pour les Jeux Olympiques : Olympic Gold: Barcelona ’92 et Winter Olympics: Lillehammer ’94. On note deux changements par rapport aux jeux précédents : d’une part, ils sont distribués internationalement, et de l’autre, ils sont autorisés à arborer les anneaux olympiques sur leurs jaquettes, assumant le partenariat.

Figures 3 et 4. Couvertures d’Olympic Gold: Barcelona ’92 et Winter Olympics: Lillehammer ’94

Mega Drive (SEGA)

  • 22 Voir Serge Laget, Pierre Lagrue, Le Siècle olympique. Les Jeux et l’Histoire, Paris, Encyclopaedia (...)
  • 23 Andy Miah, Alex Fenton, « Esports in the Olympic and Paralympic Games. The business case for integr (...)

8Dans le sillage de la mutation des Jeux privés en 1984, on note également l’apparition de logos de partenaires importants, tels que Coca-Cola, premier sponsor historique des Jeux olympiques22 – également très investi dans l’esport23 –, instaurant ainsi une continuité logique dans le déplacement de l’un à l’autre. Ainsi les années 1990 marquent le début d’une longue collaboration entre le mouvement olympique et l’industrie vidéoludique, les jeux vidéo devenant des produits officiels, permettant de générer des revenus, mais aussi de conquérir un nouveau public. Chaque édition des Jeux est alors accompagnée par la sortie d’un ou plusieurs jeux vidéo licenciés par le CIO. Cependant, après deux décennies marquées par les mutations de l’industrie et par la crise de 1983, le CIO se décide à opter pour une autre stratégie, avec le développement en 2008 d’une toute nouvelle licence, en parallèle de la sortie du jeu officiel : Mario & Sonic aux Jeux olympiques.

  • 24 Mario & Sonic aux Jeux olympiques d’hiver a été distribué en tant que jeu mobile pendant une très c (...)
  • 25 Alan Tomlinson, « The commercialization of the Olympics: Cities, corporations and the Olympic commo (...)

9L’annonce de la collaboration entre Sega et Nintendo surprend, puisque les deux géants sont des concurrents historiques : en plaçant côte-à-côte Sonic et Mario, personnages iconiques des deux firmes, le jeu entend incarner les valeurs olympiques en réunissant dans le même opus deux adversaires. Le succès est immédiat : le premier jeu s’écoule à plus de 15 millions d’exemplaires, figurant ainsi parmi les meilleures ventes sur Wii – sortie deux ans plus tôt – et profitant du succès de Wii Sports (Nintendo, 2006). Le jeu met en scène l’affrontement des personnages des deux univers à travers 24 épreuves olympiques. Notons toutefois que cette collaboration a un prix : à la différence de l’autre branche des jeux officiels, Mario & Sonic est à l’origine24 une exclusivité Nintendo, c’est-à-dire uniquement disponible sur ses consoles (Wii, Wii U, DS, 3DS et Switch). Pour le mouvement olympique, cette collaboration sert deux buts : d’abord, engendrer d’importants revenus en capitalisant sur ces deux célébrités du jeu vidéo, devenant ainsi une opportunité unique de profits, mais aussi rallier le public majoritairement familial de la console Wii, en faisant du jeu vidéo un produit d’appel pour les Jeux olympiques. Le jeu vidéo s’inscrit donc dans la double logique décrite par Alan Tomlinson25, à savoir l’intensification de la commercialisation et de la marchandisation du produit olympique.

Une collaboration à bout de souffle ?

  • 26 Acronyme de « DownLoadable Content », qui est un prolongement du jeu sous la forme d’une extension.
  • 27 Le jeu vidéo, à l’inverse, a largement bénéficié de cette crise (en particulier pendant les confine (...)

10Malgré le succès du premier opus de Mario & Sonic et la reconduction du modèle de double publication à chaque édition des Jeux, le modèle semble vite s’essouffler. Si la licence dépasse les 30 millions de copies vendues au total, on note de grands écarts d’un opus à l’autre : le premier jeu représente la moitié de ce total, tandis que les derniers ne parviennent pas à dépasser le million. Ce déclin pousse le CIO à adapter sa stratégie : en 2017, Mario & Sonic ne font pas le déplacement à Pyeongchang et sont remplacés par une nouvelle collaboration, avec le français Ubisoft, par le développement d’un DLC26 pour le jeu Steep intitulé Steep: Road to the Olympics. Pour le CIO, il s’agit de développer de nouveaux partenariats, mais surtout de minimiser les coûts de production, dans la mesure où il s’appuie sur un jeu déjà existant. Malgré les déconvenues provoquées par la pandémie de Covid-1927, on retrouve à nouveau la combinaison Jeux officiels/jeu Mario & Sonic, avec quelques nouveautés : l’ajout d’un segment arcade, mais surtout, l’entrée sur le secteur mobile avec Sonic aux Jeux olympiques (Sega, 2020), distribué sur Android et iOS. En 2022, on ne retrouve pas d’édition Mario & Sonic et l’édition officielle est uniquement portée sur mobile, avec Olympic Games Jam: Beijing 2022 (nWayPlay, Animoca Brand, 2022). Cette stratégie s’inscrit ainsi parfaitement dans les évolutions de la production vidéoludique industrielle, permettant à la fois de capter un public nostalgique et de susciter la curiosité des plus jeunes, mais aussi d’investir le nouvel eldorado du jeu vidéo : le jeu mobile.

  • 28 Au moment où nous écrivons ces lignes, aucune sortie vidéoludique n’est annoncée spécifiquement pou (...)

11Au total, on compte 23 jeux ayant fait l’objet d’une labellisation olympique entre 1984 et 202228, que l’on peut répartir en cinq phases, correspondant aux différentes stratégies adoptées par le CIO au fil des éditions : les prémices, le déploiement de jeux officiels, la conquête d’un nouveau public, le déclin partenarial et la tentative de renouveau.

Tableau 1. Jeux vidéo ayant obtenu une labellisation olympique

Tableau 1. Jeux vidéo ayant obtenu une labellisation olympique

12Le déploiement de jeux ne semble ainsi plus être une priorité du CIO, mais la collaboration de ces deux pôles ne s’arrête pas pour autant : en réponse à cette phase de déclin, la tentative de renouveau coïncide avec le début de discussions au sujet de l’esport, faisant alors passer ce partenariat dans une nouvelle phase, celle de l’olympisation du jeu vidéo.

L’olympisation du jeu vidéo

Par-delà les Jeux

  • 29 Il s’agit d’événements organisés autour des liens entre art et sport pendant les Jeux, faisant l’ob (...)
  • 30 Pierre de Coubertin, « L’Olympiade romaine », Le Figaro, 5 août 1904.

13Nous l’avons déjà évoqué, le jeu vidéo s’est immiscé à plusieurs reprises dans le cours des Jeux : lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques d’été de Rio de Janeiro en 2016, le Premier ministre japonais Shinzo Abe est apparu dans un cosplay de Mario. Cette séquence marque le passage de témoin entre pays hôtes, mais revêt ici une symbolique toute particulière, dans la mesure où le Japon revendique ici le jeu vidéo comme élément central de sa culture et de sa reconnaissance à l’international, en faisant également référence à la licence Mario & Sonic aux Jeux olympiques. Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été de Tokyo 2020, le jeu vidéo est une nouvelle fois mis à l’honneur, puisque les bandes originales des plus grands titres japonais sont choisies pour accompagner les athlètes dans leur présentation lors de la cérémonie d’ouverture. De Dragon Quest (Square Enix, 1986) à Chrono Trigger (Square Enix, 1995) en passant par Final Fantasy (Square Enix, 1987) et sans oublier Sonic (Sega, 1991), le Japon affirme, une nouvelle fois, que le jeu vidéo fait partie intégrante de son patrimoine. Pour autant, il s’agit ici d’une spécificité nipponne : une grande différence d’appréciation du statut du jeu vidéo persiste au niveau international, le jeu vidéo n’étant pas nécessairement reconnu comme un objet culturel partout dans le monde. Par ailleurs, le jeu vidéo pourrait s’intégrer dans la culture olympique par une autre voie, notamment via le développement d’événements dans le cadre des Olympiades culturelles29, renouant ainsi avec la volonté de Coubertin de voir coïncider les muscles et la pensée30.

  • 31 Paul Arrivé, « Paris 2024 : Estanguet évoque l’eSport », L’Équipe, 10 août 2017.
  • 32 Comité International Olympique, « Communiqué du 6e Sommet olympique », 28 octobre 2017, en ligne : (...)
  • 33 Ibid.
  • 34 Pour un détail plus exhaustif de toutes ces étapes, voir Florian Lefebvre, Nicolas Besombes, « Espo (...)
  • 35 Comité International Olympique, « The Esports Forum », 16 juillet 2018, en ligne : https://olympics (...)

14En parallèle, une autre modalité de pratique vidéoludique intéresse le CIO : en 2017, Tony Estanguet31 – alors président du comité de candidature pour Paris 2024 – se prononce en faveur d’un rapprochement entre les mouvements olympique et esportif. Il entraîne une première déclaration du CIO sur la question, à l’issue du 6e Sommet olympique (Lausanne, 2017) qui reconnaît que « les “eSports” de compétition pourraient être considérés comme une activité sportive32 ». Mais pour que le CIO les considère comme telle, ils ne doivent « pas enfreindre les valeurs olympiques » et doivent être rattachés à « l’existence d’une organisation garantissant la conformité aux règles et réglementations du Mouvement olympique »33. En d’autres termes, pour que l’esport figure parmi les disciplines olympiques, il doit éliminer toute dimension violente de sa pratique et se structurer, en particulier en fédération, nous y reviendrons. Cette déclaration ouvre alors la voie à de sérieuses discussions sur le sujet34 : notons qu’en 2018, un groupe de travail olympique dédié est créé à l’occasion du Forum sur l’esport (20 et 21 juillet 2018, Lausanne) organisé par le CIO et l’association globale des fédérations internationales sportives (GAISF, aujourd’hui dissoute) afin de discuter des « opportunités d’engagement et d’interaction futures35 ». Plusieurs jeux sont présentés à cette occasion, tels que League of Legends (Riot Games, 2009), Hearthstone (Blizzard Entertainment, 2014), FIFA 18 (EA Sports, 2017), Starcraft II (Blizzard Entertainment, 2010) et Overwatch (Blizzard Entertainment, 2016), et plusieurs tables rondes sont organisées autour de figures majeures de l’industrie vidéoludique et de l’esport.

  • 36 Comité International Olympique, « Communiqué du 7e Sommet olympique », 8 décembre 2018, en ligne : (...)

15Néanmoins, l’enthousiasme initial est tempéré par les conclusions du 7e sommet en 2018 : « Le secteur est axé sur le commerce alors que le mouvement sportif repose lui sur des valeurs » et « certains jeux électroniques ne sont pas compatibles avec les valeurs olympiques et par conséquent toute coopération avec ceux-ci est exclue », exception faite des « jeux de simulation sportive »36. Un paradoxe, puisque les opportunités commerciales sont précisément à l’origine de leurs premiers échanges. Ainsi se dessinent les premières tensions sur le sujet et les premières contradictions du CIO. Toutefois, à l’issue de ces multiples discussions, deux événements esportifs sont officiellement organisés par le CIO : les Olympic Virtual Series (13 mai-23 juin 2021) et les Olympic Esports Series – se déroulant pendant le festival Olympic Esports Week (22 juin-25 juin 2023) – que nous étudierons plus en détails par la suite.

Un facteur de transition et d’expansion numérique à destination de la jeunesse

  • 37 Françoise Papa, « Jeux olympiques : du signal universel à la pluralité des images », Communications(...)
  • 38 Andy Miah, Alex Fenton, « Esports in the Olympic… », art. cité, p. 163.
  • 39 Comité International Olympique, « IOC Marketing Report Beijing 2022 », 20 octobre 2022, en ligne : (...)

16Si le CIO s’intéresse à l’esport, c’est aussi parce qu’il répond à un de ses objectifs majeurs : celui de la nécessaire mutation des processus de médiatisation des Jeux. Comme le décrivait déjà Françoise Papa, « l’organisation des Jeux est aujourd’hui indissociable de leur médiatisation ; menée au travers de l’examen du dispositif de médiatisation, elle révèle l’existence de logiques parfois antagoniques37 ». En effet, après la révolution télévisuelle, vient celle d’Internet et avec elle le besoin de repenser les modalités de diffusion des Jeux. L’esport s’inscrit dans cette optique par sa possibilité de renouvellement du dispositif de retransmission médiatique, mais aussi de son audience. Parmi les préoccupations du mouvement olympique figure en effet la volonté affichée de (re)conquérir un public jeune, qui du fait de son désintérêt croissant pour la télévision, s’éloigne du canal de diffusion principal des Jeux, nécessitant ainsi d’opérer une transition numérique d’ampleur. Le CIO fait donc face à plusieurs défis : d’abord, l’adaptation aux nouveaux modes de consommation de la télévision, passant du visionnage fixe au cœur du foyer, aux nouveaux supports (mobile, ordinateur, tablette, etc.) et aux nouvelles configurations matérielles et temporelles (en mobilité, replay). Ensuite, la nécessité d’investir les nouveaux canaux de diffusion, qu’il s’agisse des réseaux et médias sociaux (Instagram, Snapchat, TikTok) ou bien des sites web de streaming (YouTube, Twitch), avec un fort potentiel en termes d’annonceurs et de partenariats commerciaux. Comme l’écrivent Andy Miah et Alex Fenton38, ce rapprochement entre mouvements olympiques et esportifs témoigne du positionnement stratégique encouragé par leurs différentes parties prenantes, partageant un « terrain commun », en particulier en termes de sponsoring. Nous avons déjà mentionné Coca-Cola, mais c’est aussi le cas d’Intel, entreprise états-unienne spécialisée dans l’électronique : en 2022, elle sponsorise l’événement « Intel World Open Beijing 2022 », en marge des Jeux, autour de Dota 2 (Valve Corporation, 2011), l’un des jeux les plus populaires d’esport. Dans le rapport marketing du CIO39, on peut ainsi lire que l’objectif était de « contribuer à susciter l’enthousiasme en amont des Jeux », ce qui a fonctionné puisque la diffusion en direct des matchs de qualification et de finale a rassemblé presque 64 millions de spectateurs à travers le monde.

  • 40 Ce terme désigne la plupart du temps les personnes nées entre le début des années 1980 et la fin de (...)
  • 41 Andy Miah, Alex Fenton, « Esports in the Olympic… », art. cité, p. 163.
  • 42 Président du comité de candidature à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024 (...)
  • 43 Eric Van Allen, « LA 2024 interested in esports technology for Olympics », ESPN, 1er novembre 2016.
  • 44 Comité International Olympique, « Communiqué du 7e Sommet olympique », op. cit.
  • 45 Comité International Olympique, « Agenda olympique 2020+5 », 2 février 2021, en ligne : https://oly (...)

17Ainsi, comme l’écrivent Andy Miah et Alex Fenton, l’esport « est en train de devenir le point de référence pour attirer les millennials40 vers le visionnage sportif en tant qu’expérience télévisuelle41 ». Trois déclarations en particulier nous permettent d’abonder en ce sens : d’abord, le 1er novembre 2016, Casey Wasserman42 explique que « nous [le comité de candidature de Los Angeles 2024] considérons l’immense popularité globale de l’esport et les progrès constants dans les technologies numériques comme de formidables outils pour reconnecter les millennials avec le mouvement olympique43 ». Ensuite, dans le communiqué du 7e Sommet olympique, il est écrit : « Reconnaissant le fait que, durant le temps libre des jeunes, le mouvement sportif est en concurrence avec le secteur des esports et jeux électroniques, le Sommet a considéré que le Mouvement olympique ne devait pas ignorer sa croissance, en raison particulièrement de sa popularité auprès des jeunes générations du monde entier44. » Enfin, dans l’agenda olympique 2020+5, on peut lire que le questionnement autour de l’esport s’inscrit dans une volonté « d’encourager la participation sportive et de promouvoir les valeurs olympiques en mettant l’accent sur la jeunesse45 ». Cette démarche du mouvement olympique s’inscrit dans une stratégie de grande ampleur, visant à toucher ce public jeune, notamment grâce à la création des Jeux olympiques de la jeunesse en 2010 ou encore l’arrivée de nouvelles disciplines olympiques, telles que le skateboard ou le breakdance.

  • 46 Michel Caillat, Jean-Marie Brohm, Les Dessous de l’olympisme, op. cit.
  • 47 Serge Laget, Pierre Lagrue, Le Siècle olympique, op. cit.

18Derrière ces préoccupations se joue aussi la question des droits de retransmission des Jeux, l’une de ses principales sources de revenus : passant de 1,2 million de dollars pour Rome 1960 à 88 millions de dollars pour Moscou 1980 grâce à l’affrontement entre les géants NBC et ABC aux États-Unis, Los Angeles 1984 explose une nouvelle fois tous les records avec ses 281 millions de dollars de recettes46. Des chiffres qui ne cessent de croître, dépassant ainsi le milliard de dollars pour Vancouver 201047. Dans ce cadre, l’arrivée de nouveaux acteurs de diffusion internationale, tels qu’Amazon avec sa plateforme de diffusion en direct Twitch, représente de nouvelles opportunités de diffusion, mais présente aussi plusieurs défis, notamment technique : la spectacularisation de l’esport transforme les processus filmiques, les athlètes esportifs n’évoluant pas sur un terrain mais devant un bureau et n’étant plus directement la source de l’action, qui se passe désormais à l’écran. On sort alors du paradigme de corporalité du sport traditionnel, centré sur la figure de l’athlète dont la persona est ici dédoublée par l’intermédiaire de l’avatar qu’il incarne, parfois lui-même athlète dans le cas d’un jeu de sport.

Géopolitique (e)sportive

  • 48 Patrick Clastres, « Médiatisation, commercialisation, internationalisation des événements sportifs  (...)
  • 49 Jean-Paul Simon, « L’émergence des écosystèmes de contenus numériques en Chine. Le rôle des société (...)

19Le jeu vidéo s’inscrit également dans une logique de diplomatie culturelle, dans la mesure où il représente un outil de soft power important, en particulier sur le plan géopolitique. L’intérêt du CIO pour l’esport relève de ce que Patrick Clastres identifie comme « des formes de mondialisation culturelle sans américanisation48 », dans lesquelles s’inscrivent les Coupes du monde de football et les Jeux olympiques. Dans ce cadre, l’importance historique du jeu vidéo au Japon, de l’esport en Corée du Sud et l’investissement récent du jeu mobile par la Chine semblent jouer un rôle majeur dans le développement des activités du CIO, tout particulièrement vers l’Asie. Nous l’avons déjà mentionné, en 2022, le CIO abandonne sa stratégie vidéoludique historique et décide d’investir exclusivement dans le jeu mobile avec Olympic Games Jam: Beijing ’2022 (nWayPlay, Animoca Brand, 2022) : cette plateforme est devenue le support le plus lucratif du secteur vidéoludique, dont la Chine est aujourd’hui l’un des géants49, porté par des entreprises comme Tencent, Baidu, NetEase, Yodo1 ou encore 37 Games. Il s’inscrit ainsi dans cette logique de mondialisation culturelle et de développement d’un soft power chinois, qui n’est pas exempt de critiques.

  • 50 Avant 2013, il s’agissait de deux compétitions différentes.

20Côté esport, un rapprochement est opéré avec les Jeux asiatiques : organisés par le Comité olympique d’Asie et reconnus par le CIO, l’esport s’y fait progressivement une place, d’abord par l’intermédiaire des Jeux asiatiques d’arts martiaux et de sports en salle50 où toutes les fédérations sont invitées à présenter des athlètes lors de tournois annexes dès 2007. L’opération est renouvelée jusqu’en 2018, où une nouvelle étape est franchie : l’esport est présenté comme « sport de démonstration » – étape qui précède traditionnellement une inclusion totale – avec six jeux populaires en compétition : Arena of Valor (Tencent Games, 2016), Clash Royale (Supercell, 2016), Hearthstone, League of Legends, Pro Evolution Soccer 2018 (Konami, 2017) et StarCraft II. La finale de League of Legends, qui opposait la Chine à la Corée du Sud, a d’ailleurs rassemblé plus d’un million de spectateurs sur Twitch, confortant ainsi le CIO dans sa tentative de déploiement en dehors de la diffusion télévisuelle canonique. Par la suite, une compétition de Starcraft II est organisée en amont des Jeux d’hiver de Pyeongchang 2018 par Intel, ainsi que sur Steep: Road to the Olympics (Ubisoft, 2016), déjà mentionné. Ainsi, le cadre asiatique devient un théâtre d’expérimentation idéal pour une éventuelle collaboration à l’échelle des Jeux, mais soulève de nombreuses questions.

Une collaboration à hauts risques

Le risque olympique : la dénaturation des pratiques

  • 51 Corentin Parbaud, « Esport : une semaine olympique accueillie avec défiance », L’Équipe, 21 juin 20 (...)
  • 52 Les athlètes récompensés sont Dina Amandine « The Fairy Dina » Morisset sur Just Dance, Kylian Drum (...)

21Alors que le déploiement des jeux vidéo labellisés par le CIO ne semblait pas poser de problèmes, la possible arrivée de l’esport aux Jeux olympiques suscite, à l’inverse, plusieurs controverses. L’idée d’intégrer une nouvelle discipline aux Jeux pose systématiquement la question de la transformation de la pratique au contact de cette institution centenaire. Ainsi, à l’annonce de l’organisation des Olympic Virtual Series, un tournoi d’esport dont l’organisation est confiée à la DreamHack Sports Games et disposant de la labellisation olympique, puis de l’Olympic Esports Series, se déroulant pendant le festival Olympic Esports Week à Singapour, le CIO se heurte à la réalité des pratiques, comme le relate Corentin Parbaud dans L’Équipe51. Cette dernière compétition se déroule autour de neuf jeux : Zwift (cyclisme ; Zwift, 2014), Virtual Regatta (voile ; Virtual Regatta, 2006), WBSC eBaseball: Power Pros (Konami, 2023), Gran Turismo (course automobile ; Sony Interactive Entertainment, 2022), Tic Tac Bow (tir à l’arc ; Project 99, 2023), Chess.com (échecs sur navigateur), Just Dance (Ubisoft, 2023), Tennis Clash (Wildlife Studios, 2020) et Virtual Taekwondo (Refract Technologies, 2023), en partenariat avec les fédérations internationales des sports concernés, mais suscite de nombreuses interrogations. D’une part, à l’exception de Just Dance, aucun de ces titres n’est présent massivement sur la scène esportive, et ils sont, pour la majorité, inconnus aussi bien du grand public que des gamers. D’autre part, on note dans cette liste l’absence des géants de l’esport – pourtant présents aux Jeux asiatiques – qui trouvent leur place dans un événement annexe, par l’intermédiaire de matchs d’exhibition : en complément des épreuves officielles – dont cinq ont été remportées par la France52 –, des tournois sur des jeux très populaires de l’esport traditionnel sont organisés, comme l’affrontement entre les Français de la Karmine Corp et les Nord-Américains de Gen.G, deux équipes majeures de Rocket League (Psyonix, 2015), qui s’est soldé par une large victoire de la France.

  • 53 Florian Lefebvre, L’Analyse de la perception des spectateurs de spectacles sportifs et esportifs fa (...)
  • 54 Ibid., p. 103.
  • 55 Les joueurs doivent s’affronter jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul survivant.
  • 56 Mikhail Batuev, Leigh Robinson, « How skateboarding made it to the Olympics: an institutional persp (...)

22Le décalage ainsi induit entre une compétition officielle pour certains et une démonstration annexe pour d’autres, constitue un point de crispation important pour les communautés vidéoludique et esportive. Dans son enquête menée sur la « perception des spectateurs de spectacles sportifs et esportifs face à l’arrivée potentielle de l’esport aux JOP de Paris 2024 », Florian Lefebvre note que les spectatrices et les spectateurs sont partagés face à ce projet et que les plus jeunes semblent justement être les plus réfractaires53. Il souligne également que l’absence des « “stars” de l’esport pourrait diminuer l’intérêt, y compris chez les personnes les plus fans d’esport54 ». Ces craintes s’appuient notamment sur la transformation de Fortnite (Epic Games, 2011) opérée par le CIO : dans ses jeux de démonstration, ce n’est pas le très populaire mode Battle Royale55 qui a été présenté, mais une configuration inédite et édulcorée de tir sur cibles. Cette crainte de dénaturation de la pratique s’inscrit dans la continuité d’autres pratiques, dont l’intégration n’a pas toujours été bien reçue par les publics, telle que l’entrée du skateboard en compétition56 : les questionnements concernant l’arrivée de cette discipline sont proches de ceux autour du jeu vidéo, puisque l’on craint de vider la pratique de son essence, le skate n’étant pas seulement une activité physique mais aussi une culture spécifique.

23Il existe également une incompatibilité entre les exigences du CIO et la structuration actuelle de l’esport. Lors de son 6e Sommet en 2017, le CIO exposait comme condition sine qua non d’un rapprochement « l’existence d’une organisation garantissant la conformité aux règles et réglementations du Mouvement olympique », autrement dit une fédération. Cette disposition s’inscrit dans la volonté du CIO de limiter le nombre d’interlocuteurs et d’uniformiser les pratiques, ce qui, dans le cas du domaine vidéoludique, semble impossible : contrairement au sport traditionnel, le terrain de jeu appartient ici à une structure privée, c’est-à-dire un éditeur, avec lequel il faut composer. D’autre part, la piste privilégiée jusqu’alors, celle du rattachement aux fédérations des sports représentés dans les jeux, ne semble pas non plus opérante, puisque le jeu vidéo serait ainsi subordonné au sport, ravivant la crainte de la dénaturation : une dimension accentuée par le choix de jeux peu connus et excluant les plus populaires, qui sont pourtant les mieux structurés.

  • 57 D’autres initiatives ont existé, telles que la G7 Federation, mais elles demeurent de moindre impor (...)
  • 58 Holly Thorpe, Belinda Wheaton, « The Olympic Games, Agenda 2020 and action sports: the promise, pol (...)
  • 59 Loïc Artiaga, « Jeux de pouvoir aux premiers temps de la Fédération Internationale de basket-ball » (...)
  • 60 En France, on peut imaginer une confrontation entre France Esports – qui inscrit dans l’Article 1 d (...)

24Il n’y a pour l’instant pas d’alternative, dans la mesure où il n’existe à ce jour aucune structure internationale permettant d’unifier les mouvements vidéoludique et esportif. Plusieurs organisations se disputent en effet l’hégémonie : l’IeSF, qui compte aujourd’hui 137 fédérations nationales parmi ses membres ; la Global Esports Federation, fondée en 2019 et partenaire du Comité olympique européen avec lequel elle a organisé un championnat européen d’esport à l’occasion de la 3e édition des Jeux européens de Cracovie-Malopolska (Pologne), se déroulant à Katowice – capitale de l’esport en Europe – et la World Esport Association (WESA), fondée en 2016 en partie par l’Electronic Sports League (ESL), l’un des leaders de l’organisation de compétitions esportives dans le monde et dont les membres sont pour la plupart de grandes équipes d’esport57. Ainsi, on pourrait voir se répéter une situation déjà éprouvée dans l’histoire de l’olympisme, notamment décrite par Holly Thorpe et Belinda Wheaton pour le skateboard58 ou Loïc Artiaga pour le basket-ball59 : l’affrontement de « multiples tutelles », où des initiatives de structuration internationale entrent en conflit avec les organisations à l’échelle nationale60, auquel viennent s’ajouter des enjeux privés, puisque les autorités olympiques restent soumises à la bonne volonté des éditeurs de jeux.

Le risque vidéoludique : l’infréquentable

  • 61 Comité International Olympique, « Manuel des fondamentaux de l’éducation aux valeurs olympiques », (...)
  • 62 Faika Ouergli, Franck Debos, Vincent Meyer, « Valeurs olympiques et réseaux sociaux numériques : co (...)

25Rappelons-le : en 2018, le CIO n’était pas favorable à un rapprochement avec les jeux vidéo, compte tenu de la dimension commerciale du médium et de sa supposée incompatibilité avec les valeurs olympiques. Stricto sensu, rien ne permet d’affirmer que le jeu vidéo en tant que pratique ludique s’oppose aux notions d’excellence, d’amitié et de respect défendus par le mouvement olympique, encourageant ainsi « l’effort », visant à « préserver la dignité humaine » et à développer l’harmonie par la « compréhension mutuelle entre les individus et les peuples »61. Si l’on met de côté la question du respect de ces valeurs par le mouvement olympique lui-même – voir les multiples polémiques et affaires dans lesquelles il est impliqué62 –, on peut légitimement se questionner sur les présupposés de ces déclarations et sur ce qui se joue réellement, pour l’image du CIO, dans sa possible association avec le jeu vidéo.

  • 63 Stephen Wade, « Bach: No Olympic future for esports until “violence” removed », Associated Press, 1(...)
  • 64 Voir Alexis Blanchet, « Violence, cinéma et jeux vidéo : de la récurrence d’un même discours », Qua (...)
  • 65 « On a le sentiment, parfois, que certains [jeunes] vivent, dans la rue, les jeux vidéo qui les ont (...)
  • 66 Laurent Mucchielli, Marwan Mohammed (dir.), Les Bandes de jeunes. Des « blousons noirs » à nos jour (...)
  • 67 William Audureau, « E-sport : le CIO ne veut pas de “jeux vidéo de tuerie” » aux Jeux olympiques », (...)

26À l’occasion de son déplacement pour la finale des Jeux asiatiques en Indonésie, Thomas Bach, président du CIO, déclare à Associated Press63 qu’il ne serait pas possible d’intégrer au « programme olympique un jeu qui promeut la violence ou la discrimination ». Il ajoute que les « killer games » sont en « contradiction avec les valeurs olympiques » et déclare, au sujet des jeux de combat : « tout sport de combat tient ses origines dans un véritable combat entre personnes […] Mais le sport est l’expression civilisée de cela. Si vous prenez des egames où il s’agit de tuer quelqu’un, cela ne peut pas correspondre à nos valeurs olympiques ». Outre l’approximation dans les termes – les « egames » et les « killer games » ne désignant rien en soi –, on comprend alors que l’appréhension du CIO réside dans les conséquences supposées de la pratique de jeux vidéo violents : une accusation loin d’être nouvelle et qui persiste dans l’imaginaire collectif malgré l’absence de preuve scientifique de sa véracité64. Des paniques morales des années 1990, en passant par les discours politiques – déclarations du président Donald Trump lors des tueries de Parkland (Floride) en 2018 et d’El Paso (Texas) en 2019 ou du président Emmanuel Macron lors des révoltes urbaines de juin et juillet 202365 –, le jeu vidéo est tenu pour unique responsable de la violence d’une partie de la jeunesse, les gamers devenant ainsi les nouveaux blousons noirs66. Comme le rappelle William Audureau dans un article du Monde67, le CIO cherche, à ce moment précis, surtout à prendre ses distances avec le jeu vidéo et l’esport en raison de la tuerie de Jacksonville (Floride, États-Unis), survenue quelques jours plutôt : le 26 août 2018, David « Bread » Katz a blessé une dizaine de personnes et tué deux autres lors d’un tournoi autour de Madden NFL 19, avant de se donner la mort.

  • 68 Norbert Elias, Eric Dunning, Quest for Excitement: Sport and Leisure in the Civilizing Process, Oxf (...)
  • 69 Ibid.
  • 70 Ibid.
  • 71 Thomas Bach, « Cérémonie d’ouverture de la 141e session du CIO », 14 octobre 2023, en ligne : https (...)

27En évoquant les « killer games » – qui renvoient vraisemblablement aux jeux de tir –, Thomas Bach pense certainement à l’impossibilité d’inclure aux Jeux une licence telle que Counter Strike: Global Offensive (Valve Corporation, 2012), en raison de son scénario : les joueuses et les joueurs y incarnent, à tour de rôle, des terroristes et des antiterroristes. Toutefois, cette catégorie de jeux ne représente qu’une infime partie de la production vidéoludique : non seulement il existe une grande diversité de genres vidéoludiques, mais en plus, tous les jeux de tir ne requièrent pas nécessairement la mise à mort des adversaires, comme l’illustre par exemple la licence Splatoon (Nintendo, 2015), s’inspirant du paintball. Thomas Bach effectue ici une généralisation de la mise en scène vidéoludique de la violence, la présentant comme uniformément meurtrière, en faisant directement référence à la « violence civilisée », théorisée par Norbert Elias et Éric Dunning68. Une notion que l’on peut précisément mobiliser en sens inverse, pour justifier la pertinence de la pratique vidéoludique : encadrée par la dimension agonistique de Caillois susmentionnée, le jeu vidéo peut être considéré comme une pratique cathartique, permettant une « euphémisation de la violence69 » par la médiation de l’écran et du dispositif technique (console, clavier, manette), dans le but de mettre en place cette « libération contrôlée des pulsions70 » recherchée par les sociétés modernes. Reste à savoir si les dernières expérimentations auront raison de ces résistances : lors de la cérémonie d’ouverture de la 141e session du CIO (14 octobre 2023, Mumbai), Thomas Bach a annoncé la création des Olympic Esports Games71, inscrivant ainsi dans le marbre la volonté du CIO de poursuivre sa collaboration avec les domaines vidéoludique et esportif, mais en dehors du cadre sportif traditionnel, ouvrant ainsi une troisième voie en complément des Jeux olympiques et paralympiques.

De l’ambiguïté des valeurs olympiques

  • 72 Comité International Olympique, « Agenda olympique 2020+5 », op. cit, p. 35.
  • 73 Mark Brown, Sky LaRell Anderson, « Designing for Disability: Evaluating the State of Accessibility (...)

28Enfin, il nous reste à évoquer l’épineux sujet de la conformité du mouvement olympique à ses propres valeurs. Dans l’Agenda olympique 2020+5, on peut lire que « le CIO reconnaît que l’égalité des sexes, l’inclusion et la diversité font partie intégrante de la concrétisation de sa vision de l’édification d’un monde pacifique et meilleur par le sport »72. Une affirmation louable, qui pourtant ne semble concerner ni le jeu vidéo ni l’esport : ces préoccupations sont complètement absentes à la fois des titres que nous avons cités et des dispositifs mis en place dans le cadre d’une pratique esportive, tant sur le plan de la diversité des actrices et des acteurs que sur celui de l’accessibilité des pratiques. Sur ce point, le jeu vidéo est souvent considéré, à tort, comme un loisir à l’accès facilité pour les personnes en situation de handicap : cette idée repose sur le principe d’une accessibilité par défaut et dont la prise en compte demeure largement sous-investie par le domaine vidéoludique73. De plus, parmi les jeux vidéo olympiques et les titres retenus précédemment, les disciplines sont non seulement exclusivement issues des Jeux olympiques – aucune des Jeux paralympiques – mais en plus, elles n’intègrent pas de mise en accessibilité des contenus pour les personnes en situation de handicap.

  • 74 Florian Lefebvre, Nicolas Besombes, « Esport et olympisme… », art. cité. 
  • 75 Deux jeux sur neuf, à savoir Tic Tac Bow et Virtual Taekwondo sont édités par Refract Technologies (...)
  • 76 Aaron Drummond, James D. Sauer, Lauren C. Hall, David Zendle, Malcolm R. Loudon, « Why loot boxes c (...)
  • 77 David Zendle, Rachel Meyer, Paul Cairns, Stuart Waters, Nick Ballou, « The prevalence of loot boxes (...)
  • 78 « Non-fungible tokens » : il s’agit d’objets numériques authentifiables grâce au système de blockch (...)

29Le choix des titres sélectionnés et ceux écartés par le CIO pour ses diverses compétitions pose également des questions de cohérence, en particulier dans le domaine de l’éthique. Comme le rappellent Florian Lefebvre et Nicolas Besombes, outre la nécessité de discuter avec les éditeurs des jeux, « il est nécessaire que le CIO prenne en considération à la fois la popularité du jeu, son contenu, son accessibilité et sa lisibilité pour le grand public, le calendrier des ligues majeures de chaque scène, la classification par âge, l’ancrage culturel de chaque discipline, ainsi que les potentiels conflits entre les partenaires économiques du jeu et ceux des JOP »74. Dans le cas des jeux sélectionnés, on relève justement de possibles conflits d’intérêts, signalés par Corentin Parbaud dans L’Équipe75. On peut par ailleurs s’interroger sur le sens de ces valeurs, lorsque le CIO choisit des jeux pay-to-win : l’accès au jeu est certes gratuit, mais son modèle économique repose sur l’achat dans le jeu d’éléments permettant d’obtenir un avantage sur les autres (personnages ou équipements), avec de la monnaie réelle, défiant ainsi le principe d’équité entre les pratiquants. C’est notamment le cas du jeu choisi par la Fédération internationale de Tennis, Tennis Clash (disponible sur mobile), ou encore d’Olympic Games Jam : Beijing 2022 (nWayPlay, Animoca Brand, 2022), seul jeu officiel de l’édition 2022. Ce système entre précisément en collision avec l’un des principes fondateurs des Jeux, à savoir le fair-play, et peut même s’apparenter à une forme de dopage, ici porté au sens numérique : ces jeux représentent donc in fine des anti-valeurs olympiques, où la maîtrise de la pratique ne se mérite pas, mais se marchande. Ainsi, les nouvelles formes d’économie du jeu vidéo sont pleinement mobilisées ici, en dépit de leur caractère polémique et des alertes émises par les autorités, les associations de défense des consommateurs et les scientifiques. En particulier en ce qui concerne les contenus payants dissimulés dans ces jeux : ces microtransactions peuvent être assimilées à des jeux d’argent76, avec tous les risques qu’ils comportent (dépendance, dettes, rupture sociale, etc.), en particulier si ces jeux sont censés s’adresser à un public jeune, voire mineur, conformément aux objectifs affichés du CIO. Ces dispositifs ne font pour l’instant l’objet d’aucune réglementation à grande échelle, limitant les précautions à la possibilité d’associer aux jeux la mention PEGI « Achats intégrés : inclut des contenus aléatoires » en Europe, dans un processus d’auto-régulation : un vide juridique qui a amené certains pays à les interdire complètement, à l’image de la Belgique et des Pays-Bas. Notons par ailleurs que la sélection par le CIO de jeux mobiles confidentiels pour déployer sa compétition esportive a certainement à voir avec l’explosion de l’intégration de ces dispositifs sur ce support de pratique en particulier77, alors que l’esport se pratique essentiellement sur ordinateur et consoles. Enfin, la présence d’un système de cryptomonnaie et l’édition de NFTs78 dans Olympic Games Jam: Beijing 2022 (nWayPlay, Animoca Brand, 2022), largement décriés et surfant sur des bulles spéculatives aussi spectaculaires qu’éphémères, semble indiquer ici que la question des valeurs n’importe pas autant que le CIO l’affirme, face au potentiel économique du secteur, s’éloignant un peu plus à chaque édition des fondamentaux établis par Pierre de Coubertin.

Conclusion

30En près de soixante ans d’interaction, le jeu vidéo et les Jeux olympiques ont opté pour plusieurs stratégies d’association : d’abord, par la vidéoludification des Jeux olympiques, puis par l’olympisation du jeu vidéo ; deux phases qui témoignent des mutations à l’œuvre dans chacun de ces deux domaines et remplissant des intérêts partagés, bien que déséquilibrés : du côté du jeu vidéo, les Jeux olympiques représentent un nouvel espace d’affirmation de l’importance culturelle du jeu vidéo à travers le monde et de légitimation de la pratique, tandis que du côté des Jeux olympiques, le jeu vidéo est perçu comme un outil stratégique idéal, puisque chacun des objectifs stratégiques du CIO trouve sa solution vidéoludique. Le jeu vidéo est en effet considéré comme un tremplin pour atteindre un public qui se détache des Jeux, la spectacularisation de l’esport apparaissant comme une aubaine dans le cadre de la transition numérique des Jeux et l’investissement dans le secteur du mobile représentant une importante opportunité de profits compte tenu de son potentiel économique. Le bilan des interactions entre jeux vidéo et Jeux olympiques est donc complexe : mis à part le premier opus de Mario et Sonic aux Jeux Olympiques, aucun jeu vidéo labellisé n’aura su remporter l’adhésion du public et les conditions de déploiement de l’esport aux Jeux semblent, pour l’instant, soulever plus de méfiance que d’engouement, tandis que les choix de mise en scène opérés par le Japon auront participé à faire entrer un peu plus le jeu vidéo dans les cultures de l’olympisme. Le prochain rendez-vous, les Olympic Esports Games, sera donc à scruter attentivement, inaugurant ainsi une nouvelle phase d’interactions entre les jeux et les Jeux.

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Notes

1 Voir Liège Game Lab, Culture vidéoludique  !, Liège, Presses universitaires de Liège, 2019 et Selim Krichane, Isaac Pante, Yannick Rochat, Penser (avec) la culture vidéoludique : discours, pratiques, pédagogie, Liège, Presses universitaires de Liège, 2022.

2 Nous distinguons ce terme de la ludification (ou gamification), qui désigne l’utilisation de mécaniques propres au jeu dans d’autres domaines, tandis que nous entendons ici vidéoludification comme processus d’adaptation en jeu vidéo.

3 Roger Caillois, Les Jeux et les hommes : le masque et le vertige, Paris, Gallimard, 1958.

4 Voir Kalle Jonasson, Jesper Thiborg, « Electronic sport and its impact on future sport », Sport in Society, 13-2, 2010, p. 287-299 ; Emma Witkowski, « On the Digital Playing Field: How We “Do Sport” With Networked Computer Games », Games and Culture, 7-5, 2012, p. 349-374 ; Nicolas Besombes, « Sport et e-sport : une comparaison récurrente à déconstruire », Jurisport. La revue juridique et économique du sport, 185, 2018, p. 19-23 ; Jim Parry, « Esports Will Not Be at the Olympics », Journal of Olympic Studies, 2, 2021, p. 1-13 et Anne Tjønndal, « “What’s next? Calling beer-drinking a sport?!”: virtual resistance to considering eSport as sport », Sport, Business and Management: An International Journal, 11-1, 2020, p. 72-88.

5 Voir Nelson Todt, André Fagundes Pase, Alessandra Scarton, Luis Henrique Rolim, Guilherme Ziliotto Berlitz, Lucas Viapiana Baptista, « The eSports and Olympic Games: Perspectives of an ongoing debate », Journal of Human Sport & Exercise, 15-1, 2020, p. 94-110 ; Andy Miah, « The Esports Question for the Olympic Movement », Journal of Olympic Studies, 2-2, 2021, p. 14-26 ; Jim Parry et Jacob Giesbrecht, « Esports, real sports and the Olympic Virtual Series », Journal of the Philosophy of Sport, 50-2, 2023, p. 208-228 ; Cem Abanazir, « Of Values and Commercialization: An Exploration of Esports’ Place within the Olympic Movement », Sport, Ethics and Philosophy, 16-4, 2022, p. 397-412 et Florian Lefebvre, Nicolas Besombes, « Esport et olympisme : entre démocratisation de la pratique et rajeunissement de la marque », dans Nicolas Chanavat, Arnaud Waquet, Arnaud Richard (dir.), Les Défis de l’olympisme, entre héritage et innovation. Approches historique, sociale et managériale du mouvement olympique, Paris, INSEP, 2021, p. 171-188.

6 Cristina Comeras-Chueca, Lorena Villalba-Heredia, Marcos Pérez-Llera, Gabriel Lozano-Berges, Jorge Marín-Puyalto, Germán Vicente-Rodríguez, Ángel Matute-Llorente, José A. Casajús, Alejandro González-Agüero, « Assessment of Active Video Games’ Energy Expenditure in Children with Overweight and Obesity and Differences by Gender », International Journal of Environmental Research and Public Health, 17-18, 2020, p. 1-17.

7 Rohit Singh, Gopikanthan Manoharan, Thomas Steven Moores et Amit Patel, « Nintendo Wii related Achilles tendon rupture: first reported case and literature review of motion sensing video game injuries », BMJ Case Reports, 1, 2014, en ligne : http://dx.doi.org/10.1136/bcr-2013-202657

8 Salvador Pérez-Muñoz, Antonio Sánchez-Muñoz, José Manuel De Mena Ramos et Alberto Rodríguez-Cayetano, « Mario and Sonic at the Olympic Games: Effect of Gamification on Future Physical Education Teachers », Applied Sciences, 12-19, 2022, p. 9459.

9 Il s’agit du processus et des techniques de conception de jeux vidéo.

10 Fred Mason, « Mario and Sonic at the Olympic Games: Consuming the Olympics through Video Gaming », dans Janice Forsyth, Christine O’Bonsawin, Michael Heine (dir.), Intersections and Intersectionalities in Olympic and Paralympic Studies. Twelfth International Symposium for Olympic research, Londres (Ontario, Canada), International Center for Olympic Studies, 2014, p. 69-76.

11 Leonardo Mataruna, Vanissa Wanick, Andressa Guimarães-Mataruna, « Legados de games, advergames e megaventos esportivos: o caso rio 2016 », Revista Z Cultural, 11, 2016, p. 1-13.

12 Nous tenons à saluer le travail autour de MobyGames, Retro Magazine Search et Abandonware France, projets universitaires et/ou amateurs, qui permettent à la recherche en études sur le jeu d’être grandement facilitée et enrichie.

13 Nicolas Besombes, « D’une pratique confidentielle à un spectacle planétaire », Panard, 3-1, 2023, p. 130‑141.

14 Jacques Henno, Les Jeux vidéo, Paris, Le Cavalier Bleu, 2002, p. 33.

15 L’entreprise sud-coréenne est l’organisatrice des WCG – via sa filiale ICM – mais elle est aussi un partenaire olympique majeur.

16 L’un des tout premiers jeux video étant Tennis for Two (William Higinbotham, 1958).

17 Voir le chapitre 12 « The Battle for the Home » de l’ouvrage de Steven L. Kent, The Ultimate History of Video Games: From Pong to Pokemon, The Story Behind the Craze That Touched Our Lives and Changed the World, New York, Three Rivers Press, 2001, p. 206-224.

18 Du nom du double médaillé d’or en 1980 et 1984 dans la discipline.

19 Boris Urbas, « Le fil de la nostalgie dans les médiatisations contrastées du passé du jeu vidéo : expositions muséales, rétro-marketing, et vidéos amateurs », dans Pascale Vergely, Guillaume Carbou (dir.), Médias et émotions. Catégories d’analyses, problématiques, concepts, Rome, RomaTre-Press, 2020, p. 155-173.

20 Certains jeux disposent de plusieurs noms selon les pays : nous ferons apparaître le nom d’usage en Europe en italique et les autres entre crochets le cas échéant.

21 Michel Caillat, Jean-Marie Brohm, Les Dessous de l’olympisme, Paris, La Découverte, 1984.

22 Voir Serge Laget, Pierre Lagrue, Le Siècle olympique. Les Jeux et l’Histoire, Paris, Encyclopaedia Universalis, 2015 et le chapitre 3 « Income and Earnings at the Olympic Games », dans Guy Osborn, Mark James, Olympic Laws: Culture, Values, Tensions, Londres, Routledge, 2023, p. 41-64.

23 Andy Miah, Alex Fenton, « Esports in the Olympic and Paralympic Games. The business case for integration », dans Dikaia Chatziefstathiou, Borja García, Benoît Séguin (dir.), Routledge handbook of the Olympic and Paralympic Games, New York, Routledge, 2021, p. 160-170.

24 Mario & Sonic aux Jeux olympiques d’hiver a été distribué en tant que jeu mobile pendant une très courte période, sur iPhone (iOS), mais a été retiré du marché, devenant ainsi un média perdu (lost media).

25 Alan Tomlinson, « The commercialization of the Olympics: Cities, corporations and the Olympic commodity », dans Kevin Young, Kevin B. Wamsley (dir.), The Global Olympics: Historical and Sociological Studies of the Modern Games, Londres, JAI Press, 2005, p. 179-200.

26 Acronyme de « DownLoadable Content », qui est un prolongement du jeu sous la forme d’une extension.

27 Le jeu vidéo, à l’inverse, a largement bénéficié de cette crise (en particulier pendant les confinements). Voir à ce sujet Nick Dyer-Witheford, Greig de Peuter, « Postscript: Gaming While Empire Burns », Games and Culture, 16-3, 2021, p. 371-380.

28 Au moment où nous écrivons ces lignes, aucune sortie vidéoludique n’est annoncée spécifiquement pour les Jeux de Paris 2024.

29 Il s’agit d’événements organisés autour des liens entre art et sport pendant les Jeux, faisant l’objet d’une labellisation officielle.

30 Pierre de Coubertin, « L’Olympiade romaine », Le Figaro, 5 août 1904.

31 Paul Arrivé, « Paris 2024 : Estanguet évoque l’eSport », L’Équipe, 10 août 2017.

32 Comité International Olympique, « Communiqué du 6e Sommet olympique », 28 octobre 2017, en ligne : https://olympics.com/cio/news/communique-du-sommet-olympique

33 Ibid.

34 Pour un détail plus exhaustif de toutes ces étapes, voir Florian Lefebvre, Nicolas Besombes, « Esport et olympisme… », art. cité.

35 Comité International Olympique, « The Esports Forum », 16 juillet 2018, en ligne : https://olympics.com/ioc/news/ioc-and-gaisf-to-host-esports-forum

36 Comité International Olympique, « Communiqué du 7e Sommet olympique », 8 décembre 2018, en ligne : https://olympics.com/cio/news/communique-du-sommet-olympique-1

37 Françoise Papa, « Jeux olympiques : du signal universel à la pluralité des images », Communications, 67, 1998, p. 91-103.

38 Andy Miah, Alex Fenton, « Esports in the Olympic… », art. cité, p. 163.

39 Comité International Olympique, « IOC Marketing Report Beijing 2022 », 20 octobre 2022, en ligne : https://olympics.com/cio/news/les-jeux-olympiques-d-hiver-de-beijing-2022-suivis-par-plus-de-deux-milliards-de-personnes

40 Ce terme désigne la plupart du temps les personnes nées entre le début des années 1980 et la fin des années 1990. Ils sont également qualifiés de digital natives (nés avec le numérique) ou génération Y, précédant les générations Z (2000-2010) et Alpha (nés à partir de 2010).

41 Andy Miah, Alex Fenton, « Esports in the Olympic… », art. cité, p. 163.

42 Président du comité de candidature à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024 à Los Angeles et actuel président du comité d’organisation des JOP de Los Angeles 2028.

43 Eric Van Allen, « LA 2024 interested in esports technology for Olympics », ESPN, 1er novembre 2016.

44 Comité International Olympique, « Communiqué du 7e Sommet olympique », op. cit.

45 Comité International Olympique, « Agenda olympique 2020+5 », 2 février 2021, en ligne : https://olympics.com/cio/documents/comite-international-olympique/agenda-olympique-2020-plus-5

46 Michel Caillat, Jean-Marie Brohm, Les Dessous de l’olympisme, op. cit.

47 Serge Laget, Pierre Lagrue, Le Siècle olympique, op. cit.

48 Patrick Clastres, « Médiatisation, commercialisation, internationalisation des événements sportifs », dans Christian Delporte, Caroline Moine (dir.), Culture, médias, pouvoirs aux États-Unis et en Europe occidentale, 1945-1991, Paris, Armand Colin, 2018, p. 308.

49 Jean-Paul Simon, « L’émergence des écosystèmes de contenus numériques en Chine. Le rôle des sociétés de l’internet et des jeux vidéo », Réseaux, 224-6, 2020, p. 225-255.

50 Avant 2013, il s’agissait de deux compétitions différentes.

51 Corentin Parbaud, « Esport : une semaine olympique accueillie avec défiance », L’Équipe, 21 juin 2023.

52 Les athlètes récompensés sont Dina Amandine « The Fairy Dina » Morisset sur Just Dance, Kylian Drumont sur Gran Turismo 7, Anass « Anteo » Benghazi sur Tennis Clash, Tim « Pepitõ » Carpentier sur Virtual Regatta (inshore) et Baptiste « Baptiste_REP » Renaut sur Virtual Regatta (offshore).

53 Florian Lefebvre, L’Analyse de la perception des spectateurs de spectacles sportifs et esportifs face à l’arrivée potentielle de l’esport aux Jeux olympiques de Paris 2024, Rapport de bourse de recherche du Centre d’Études Olympiques Français et de l’Académie Nationale Olympique Française, Paris, 2018, p. 108.

54 Ibid., p. 103.

55 Les joueurs doivent s’affronter jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul survivant.

56 Mikhail Batuev, Leigh Robinson, « How skateboarding made it to the Olympics: an institutional perspective », International Journal of Sport Management and Marketing, 17/4-5-6, 2017, p. 381-402.

57 D’autres initiatives ont existé, telles que la G7 Federation, mais elles demeurent de moindre importance.

58 Holly Thorpe, Belinda Wheaton, « The Olympic Games, Agenda 2020 and action sports: the promise, politics and performance of organisational change », International Journal of Sport Policy and Politics, 11-3, 2019, p. 465-483.

59 Loïc Artiaga, « Jeux de pouvoir aux premiers temps de la Fédération Internationale de basket-ball », dans Fabien Archambault, Loïc Artiaga, Gérard Bosc (dir.), Le Continent basket. L’Europe et le basket-ball au XXe siècle, Bruxelles/New York, Peter Lang, 2015, p. 47-65.

60 En France, on peut imaginer une confrontation entre France Esports – qui inscrit dans l’Article 1 de ses statuts son inscription dans les valeurs de l’olympisme – et la Fédération française de Jeu vidéo (FFJV), membre de l’IeSF.

61 Comité International Olympique, « Manuel des fondamentaux de l’éducation aux valeurs olympiques », 2017, en ligne : https://olympics.com/cio/education/programme-d-education-aux-valeurs-olympiques/r/ressources-2023/manuel-des-fondamentaux

62 Faika Ouergli, Franck Debos, Vincent Meyer, « Valeurs olympiques et réseaux sociaux numériques : controverses et utopies », Communication et organisation, 48, 2015, p. 73-92.

63 Stephen Wade, « Bach: No Olympic future for esports until “violence” removed », Associated Press, 1er septembre 2018.

64 Voir Alexis Blanchet, « Violence, cinéma et jeux vidéo : de la récurrence d’un même discours », Quaderni. Communication, technologies, pouvoir, 67, 2008, p. 11-18 ; Olivier Mauco, « La médiatisation des problématiques de la violence et de l’addiction aux jeux vidéo », Quaderni. Communication, technologies, pouvoir, 67, 2008, p. 19-31 ; Christopher J. Ferguson, « The Good, The Bad and the Ugly: A Meta-analytic Review of Positive and Negative Effects of Violent Video Games », Psychiatric Quarterly, 78-4, 2007, p. 309-316 et Christopher J. Ferguson, « Do Angry Birds Make for Angry Children? A Meta-Analysis of Video Game Influences on Children’s and Adolescents’ Aggression, Mental Health, Prosocial Behavior, and Academic Performance », Perspectives on Psychological Science, 10-5, 2015, p. 646-666.

65 « On a le sentiment, parfois, que certains [jeunes] vivent, dans la rue, les jeux vidéo qui les ont intoxiqués » (30 juin 2023). Une déclaration surprenante, puisqu’elle intervient après l’organisation en juin 2022 d’une grande réception en l’honneur de l’esport français, poussant l’intéressé à présenter ses excuses sur X (anciennement Twitter), intitulées « J’ai fait bondir les gamers ».

66 Laurent Mucchielli, Marwan Mohammed (dir.), Les Bandes de jeunes. Des « blousons noirs » à nos jours, Paris, La Découverte, 2007.

67 William Audureau, « E-sport : le CIO ne veut pas de “jeux vidéo de tuerie” » aux Jeux olympiques », Le Monde, 5 septembre 2018.

68 Norbert Elias, Eric Dunning, Quest for Excitement: Sport and Leisure in the Civilizing Process, Oxfort, Basil Blackwell, 1986 [trad. fr : Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Fayard, 1994].

69 Ibid.

70 Ibid.

71 Thomas Bach, « Cérémonie d’ouverture de la 141e session du CIO », 14 octobre 2023, en ligne : https://olympics.com/cio/141e-session-du-cio.

72 Comité International Olympique, « Agenda olympique 2020+5 », op. cit, p. 35.

73 Mark Brown, Sky LaRell Anderson, « Designing for Disability: Evaluating the State of Accessibility Design in Video Games », Games and Culture, 16-6, 2021, p. 702-718.

74 Florian Lefebvre, Nicolas Besombes, « Esport et olympisme… », art. cité. 

75 Deux jeux sur neuf, à savoir Tic Tac Bow et Virtual Taekwondo sont édités par Refract Technologies « un studio basé à Singapour et dont les deux cofondateurs Ng Chong Geng et Eugene Koh-co font partie de la Singapour Esports Association... qui a directement été “invitée à proposer des événements” à l’OEW », Corentin Parbaud, « Esport : une semaine olympique accueillie avec défiance », art. cité.

76 Aaron Drummond, James D. Sauer, Lauren C. Hall, David Zendle, Malcolm R. Loudon, « Why loot boxes could be regulated as gambling », Nature Human Behaviour, 4-10, 2020, p. 986-988.

77 David Zendle, Rachel Meyer, Paul Cairns, Stuart Waters, Nick Ballou, « The prevalence of loot boxes in mobile and desktop games », Addiction, 115-9, 2020, p. 1768-1772.

78 « Non-fungible tokens » : il s’agit d’objets numériques authentifiables grâce au système de blockchain, autrement dit une technologie de stockage empêchant, en théorie, leur modification.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Flavie Falais, « Jeux vidéo et Jeux olympiques : soixante ans d’interactions entre vidéoludification, olympisation et controverses »Revue d’histoire culturelle [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 24 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/rhc/9923 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11ycm

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Auteur

Flavie Falais

Flavie Falais est doctorante en histoire à l’université de Limoges, au sein du laboratoire EHIC, sous la direction de Loïc Artiaga. Son travail de thèse porte sur la fabrique des représentations, des imaginaires et des discours autour de la sexualité dans le jeu vidéo. Elle s’intéresse par extension aux conditions de production de ce dernier et à ses rapports à d’autres formes culturelles et médiatiques. flavie.falais@gmail.com

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