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Épistémologie en débats

Épistémologie du massacre

Crimes de masse, génocides et histoire culturelle
Les responsables de la rubrique

Texte intégral

1La rubrique « Épistémologie en Débats » propose de questionner – sur deux numéros, celui-ci et le suivant – les renouvellements en cours de l’historiographie des génocides et crimes de masse, en particulier dans les liens qu’ils peuvent entretenir ou renouer avec l’histoire culturelle au sens large et dans la longue durée. Les évènements majeurs des années 1990 qu’ont été l’« épuration ethnique » en Bosnie-Herzégovine et le génocide des Tutsis du Rwanda, ont entrainé un regain d’attention anthropologique et historiographique à l’égard des violences de masse, qu’elles aient été commises dans le cadre de politiques d’États criminels ou dans des contextes de guerre civile où l’autorité se délite. En plus de nous être contemporains, ces évènements traumatiques ont eu la particularité d’avoir été pris en charge par des juridictions internationales, Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (1993), Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994), puis la Cour pénale internationale depuis le 1er juillet 2002. L’enquête de science sociale, sociologique ou historienne, s’est ainsi trouvée d’emblée impliquée dans un processus de type judiciaire où les chercheurs et chercheuses ont pu jouer un rôle expert mais dont ils ont aussi pu, plus largement, nourrir leur travail et leur réflexion, y compris sur des périodes et des évènements plus anciens.

  • 1 Anne Carol et Jean-Marc Dreyfus, « Médecine légale, morts de masse et forensic turn », Histoire, mé (...)

2Un certain nombre de transferts de méthodes, d’approches et de concepts nés dans la sphère judiciaire et réappropriés par des travaux historiques, sont ici déterminants. On a pu parler notamment de forensic turn (Elisabeth Anstett, Jean-Marc Dreyfus1) pour souligner ce parti de privilégier le regard à hauteur d’individus, l’attention à la preuve matérielle et le recours aux techniques issues de la police scientifique et de la médecine légale, initialement placées au service de procédures chargées de juger des individus. Il ne s’agit donc pas uniquement d’aborder l’histoire de la qualification génocidaire, progressivement étendue de la Shoah à d’autres crimes de masse, mais de s’intéresser surtout aux effets-retour des événements présents, et de leur traitement judiciaire, sur les recherches historiques actuelles, poussées à toujours plus de précision dans l’analyse ou l’« archéologie » du massacre (cette archéologie pouvant relever du travail sur archives).

3Le premier texte de Nathalie Barrandon, Jean-Baptiste Bonnard, Isabelle Pimouguet-Pédarros, propose une présentation synthétique du programme Paraibaino, qui répondait à un appel à projet spécifique de l’ANR. Il montre ainsi comment les concepts les plus récents sont utilisés pour donner une nouvelle intelligibilité aux violences de masses des périodes anciennes de l’histoire grecque ou romaine, tout en rappelant que les violences extrêmes ont pu être nommées, qualifiées, appréciées de façon bien spécifiques dans les systèmes culturels de l’Antiquité.

4Dans le second texte, Thomas Chopard s’intéresse aux enjeux historiographiques et mémoriels du Holodomor ainsi qu’à la manière dont la qualification de génocide a émergé. Il montre le rôle joué par la Shoah, comme référentiel historiographique, y compris du point de vue des méthodes historiques ou des modalités de collecte des témoignages, mais aussi l’utilisation de la qualification de génocide dans le cadre d’une hiérarchie des mémoires qui s’effectue à la faveur de la construction mémorielle ukrainienne.

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Notes

1 Anne Carol et Jean-Marc Dreyfus, « Médecine légale, morts de masse et forensic turn », Histoire, médecine et santé, 16, 2021, p. 109-117.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Les responsables de la rubrique, « Épistémologie du massacre »Revue d’histoire culturelle [En ligne], 8 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 24 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/rhc/9565 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11ydg

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