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Le "francique lorrain", une fable récente
Un article supplémentaire dans Wikipédia qui traite du "francique lorrain", une locution d'apparition très récente, et qui est d'origine politique et non scientifique. En effet, le domaine germanophone de Lorraine, s'il est effectivement très majoritairement du domaine francique, comprend quelques villages d'expression alémanique près de Dabo. Mais surtout : les parlers franciques de Lorraine se subdivisent clairement en trois sous-ensembles,le francique Luxembourgeois (Luxemburger Fränkisch) dans l'arrondissement de Thionville, le francique mosellan (Moselfränkisch) aux environs de Saint-Avold et Creutzwald, enfin le francique rhénan, (Rheinfränkisch) du bassin houiller à Sarrebourg, et qui comprend l'Alsace Bossue, ainsi qu'un village alsacien près de Wissembourg. Élément essentiel pour comprendre l'escroquerie intellectuelle de la locution "francique lorrain", il faut savoir que ces expressions dialectales germanophones s'étendent au-delà de la frontière : au Luxembourg pour le francique luxembourgeois, en Sarre et en Rheinland-Pfalz pour le francique mosellan, idem pour le Francique rhénan, y compris en Alsace Bossue. Autre point essentiel : des locuteurs qui parlent en francique rhénan, par exemple, comprennent beaucoup mieux un alsacien de Sarre-Union qui s'exprime dans le même dialecte, ou un locuteur de Sarrebruck, que quelqu'un qui parle en francique luxembourgeois. Et c'est la même chose pour un locuteur francique luxembourgeois de Sierck en Moselle : il comprendra beaucoup mieux un locuteur de Remich, au Luxembourg, voire de Mettlach, en Sarre, que quelqu'un de Sarralbe ou de Phalsbourg. L'objectif de l'expression très récente "francique lorrain" est de brouiller la piste du transfrontalier, de la nature d'abord germanophone du phénomène, pour le replier vers un patrimoine "lorrain". Ce sont donc les nouveaux adeptes d'une culture Lorraine new-look qui use et abuse de l'expression "Lorraine" comme d'un mantra, qui sont les promoteurs de cette expression. Au passage, ils passent l'éponge sur un siècle de lutte contre la langue allemande et les divers dialectes en Moselle germanophone, et ce de la part des Lorrains mêmes. C'est là un vieux réflexe, que de creuser des frontières nationales entre les expressions linguistiques, et surtout, vieux réflexe jacobin de bien profondément creuser la frontière avec l'Allemagne. Drôle de chant du cygne des dialectes germanophones de Lorraine, où le réflexe de la coupure culturelle avec l'espace germanophone doit s'inscrire même dans la façon de nommer nos hauts lieux linguistiques. Dire "francique lorrain", c'est comme appeler le château de Manderen "Malbrouck". Derrière le nationalisme déguisé en sympathique folklore, on succombe à une culture moderne qui s'apparente davantage à du Walt Disney qu'aux sciences humaines que sont l'histoire et la linguistique. "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur de ce monde", disait Albert Camus. C'est déjà triste de voir mourir nos dialectes abandonnés par la région qui était censée soutenir et valoriser notre culture. C'est carrément déprimant de voir agoniser nos dialectes mosellans sous la formule abracadabrante de "francique Lorrain". Bon, au moins, si ces épithètes sont marqués sur sa tombe, on connaîtra le nom de l'assassin de ce qui repose en dessous.
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