Cartel (économie)

fusion mutuellement bénéfique des entreprises concurrentes

En économie, le cartel est un oligopole où les quelques producteurs ou vendeurs obtiennent le contrôle d'un marché par entente formelle. C’est une forme de concentration horizontale où de grandes entreprises juridiquement et financièrement indépendantes ayant des activités comparables sur un même marché s'entendent en vue de contrôler et parfois partager ce marché, dans le but de rendre plus difficile l'entrée de nouveaux concurrents et de maximiser leurs profits au détriment des consommateurs.

L’entente est généralement mise en œuvre pour fixer les prix et les critères qui les régissent. Elle est destinée à empêcher l'arrivée de nouveaux vendeurs. Elle est plus courante dans le cas où les vendeurs disposent de produits homogènes.

Les situations de cartel nuisent nécessairement aux consommateurs (sauf dans le cas où le cartel évite une concurrence exacerbée entraînant des dépenses de publicité très importantes qui finissent par se répercuter sur le prix des produits), les clients ne pouvant profiter des effets positifs d'une véritable concurrence entre les vendeurs d'un même marché comme la baisse des prix ou l’augmentation de la qualité.

C'est une pratique anticoncurrentielle car le but de cette collusion est d'accroître les bénéfices de membre par la réduction de la concurrence. Les lois sur la concurrence interdisent les ententes et donc les cartels.

Un cartel entre plusieurs entreprises sur un marché oligopolistique peut représenter une entente sur les prix, un partage de zone géographique ou de part de marché ou encore une entente sur des quotas de production.

Origines des cartels

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Selon Marc-André Gagnon (PhD, School of Public Policy and Administration, Carleton University)[1], en Allemagne notamment (Kronstein, 1942[2]), le développement et la multiplication des brevets sur des produits et/ou des « processus de production » (souvent demandés par des entreprises en leur nom, pour des inventions en réalité produites par leur employés) ont joué « un rôle central dans le processus de cartellisation et de consolidation industrielle (...) La difficulté de produire quoi que ce soit sans un accès constant et complet aux savoirs d’un secteur, ainsi que les menaces de poursuites juridiques massives et mutuelles sur les droits de brevets obligeaient la coopération entre les firmes et déterminaient les stratégies de mise en commun des profits, de cartellisation ou de consolidation ». Ceci a été particulièrement vrai pour « l’émergence et la consolidation de l’industrie pharmaceutique, industrie dérivée de l’industrie chimique de la teinture ». Des auteurs tels que Hermann Isay avaient déjà analysé ce fait en 1923 ; ce dernier, dans un ouvrage intitulé Die Patentgemeinschaft in Dienst des Kartellgedankens écrivait « No other industries have at their disposal for cartelizing purposes as effective a device as the manufacturing industries have. This auxiliary device is the patent »[3].

Exemples de cartels

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Les cartels sont illégaux dans la plupart des pays (ex : lois antitrust aux États-Unis) mais il en existe de célèbres :

  • L'OPEP est un cartel entre pays producteurs de pétrole.
  • De Beers est un cartel entre vendeurs de diamants.
  • Le cartel composé de Louis-Dreyfus Commodities, Citrosuco et Cutrale domine le marché du jus d'orange brésilien[4].
  • Phœbus est un cartel mis en place entre 1924 et 1939 dans le but de contrôler la fabrication et la vente des lampes à incandescence.
  • Cartel européen de la teinture chimique (quadripartite).
  • Cartel des peigneurs de laine jusqu'à 1914[5],[6].

Notes et références

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  • Jean-Luc Mastin, L’entente et le marché : le cartel des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing (1881-1914) in Revue d’histoire moderne et contemporaine 2011/2 (n° 58-2), 224 pages, Editeur Belin, (ISBN 9782701157757).
  1. Marc - André Gagnon , PhD Les droits de propriété intellectuelle sont - ils un écueil pour la modernité industrielle ? numéro de la Revue Société, consacré aux enjeux du droit de propriété, aux éditions Nota Bene 2010
  2. Kronstein, Heinrich (1942), « The Dynamics of German Cartel and Patents », University of Chicago Law Review, vol.9, n°4, p. 643-671
  3. in Hexner Ervin (1946), International Cartels, Londres, Sir Isaac Pitman and Sons., 1946: 72)
  4. Cartel orange : jus concentré, pouvoir concentré, travailleurs exploités, dossier publié dans le Déclics 18, septembre 2014 par Oxfam Magasins du monde
  5. Jean-Luc Mastin, Les groupes textiles du Nord face au marché (XIXè siècle) : un improbable monopole collectif ? L’exemple du cartel des peigneurs de laine, 1881-1914
  6. Mastin J.L (2007) Capitalisme régional et financement de l'industrie, région lilloise, 1850-1914. mémoire de thèse, université de Lille, 3.

Bibliographie

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  • Barjot, D. (2010). Le contrôle de la surproduction. Les cartels internationaux dans l'industrie de l'aluminium en perspective historique (1886-1945). Entreprises et Histoire, (61), 214-216.
  • Bergeron, J. (1985). La dictature des cartels de Kurt Rudolf Mirow ; Grenoble: Presses Universitaires de Grenoble, 1982, 207 p. Canadian Journal of Political Science, 18(03), 617-619 (Notice).
  • Bertilorenzi, M. (2008). L'industrie italienne de l'aluminium: cartels, multinationales et autarcie, 1917-1943. Cahiers d'histoire de l'aluminium, (41), 43-71 (résumé).
  • Bertilorenzi, M. (2010). Le contrôle de la surproduction. Les cartels internationaux dans l’industrie de l’aluminium en perspective historique (1886-1945) (Doctoral dissertation, Paris 4) (résumé).
  • Bezançon, X., Bouwens, B., Dankers, J., Dumez, H., Müller, M., Schröter, H., & Barjot, D. (2015). Coûts et avantages des cartels. Entreprises et histoire, 76(3), 107-115 (http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=EH_076_0107 résumé]).
  • Cortat, A. (2009). Un cartel parfait: réseaux, R&D et profits dans l'industrie suisse des câbles. Ed. Alphil-Presses universitaires suisses.
  • Gillingham, J. (1992). De la coopération à l'intégration: la Ruhr et l'industrie lourde française pendant la guerre. Histoire, Économie et Société, 369-395.
  • Jetzer, A. (1979). Projet de la Commission d'experts pour la révision de la loi fédérale sur les cartels et organisations analogues: quelques considérations critiques dans l'optique du commerce et de l'industrie. World Competition, 3(2), 59-77 (résumé).
  • Jetzer, A. (1972). L'activité de la Commission des cartels dans l'optique du commerce et de l'industrie.
  • Lauzon, L. P., Lauzon, M., & Hasbani, M. (2008). L'industrie pétrolière mondiale: concurrence ou cartel?: analyse socio-économique des six plus grandes pétrolières mondiales. Chaire d'études socio-économiques, Université du Québec à Montréal.
  • Lederer, J. J. (1951). La sidérurgie européenne et les cartels avant le plan Schuman. Politique etrangere, 397-412.
  • Lhomme, J. (1951). Stocking G.W & Watkins M.W., Monopoly and free enterprise. With the report and recommendations of the Committee on cartels and monopoly. Revue économique, 2(6), 799-801.
  • Montant, G. (2001). Analyse microéconomiques du cartel charbonnier Nord-Pas-de-Calais dans l'entre-deux-guerres (Doctoral dissertation, Caen) (résumé).
  • Morsel, H. (1976). Contribution à l'histoire des ententes industrielles (à partir d'un exemple, l'industrie des chlorates). Revue d'histoire économique et sociale, 118-129.
  • Tilton, M. C. (1999). Japanese steel and chemical cartels. Chemtech, 29(9), 49-53.
  • Turcotte, F. (2006, July). Civiliser les mœurs commerciales du cartel de la nicotine: promotion et mise en marché des produits du tabac confiée à une régie d'intérêt public sans but lucratif. In The 13th World Conference on Tobacco OR Health (résumé)
  • Varaschin, D. (2010). Un cartel parfait. Réseaux, R&D et profits dans l'industrie suisse des câbles (review). Le mouvement social, 232(1), 109-111 (résumé).

Voir aussi

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