Philip Sotnychenko • Réalisateur de La Palisiada
“Le cinéma se construit beaucoup sur des sentiments, comme la musique et la poésie”
- Le réalisateur ukrainien entre pour nous dans le détail de son film, où deux amis, un inspecteur de police et un psychiatre médico-légal, enquêtent sur le meurtre d’un collègue
Nous avons interviewé Philip Sotnychenko, dont le film La Palisiada [+lire aussi :
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interview : Philip Sotnychenko
fiche film] participe à la Compétition Tiger de l'IFFR. Cinq mois avant l'abolition de la peine de mort en Ukraine, deux vieux amis, un inspecteur de police et un psychiatre médico-légal, enquêtent sur le meurtre d’un collègue.
Cineuropa : Comment exactement l’idée de La Palisiada vous est-elle venue ? Pourquoi avez-vous choisi ce titre en particulier ?
Philip Sotnychenko : Je suis parti du fait qu'aussi récemment qu'en 1996, la peine de mort existait encore en Ukraine. Ensuite, à partir de ça, j’ai commencé à me souvenir de mon enfance, et le sujet de la peine de mort s'est un peu retiré au second plan. C'était déjà en train de devenir une histoire non pas sur la dernière exécution, mais sur les gens qui ont vécu à cette époque et leurs enfants, qui vivent maintenant.
Par rapport au titre, "lapalissade" est un terme de philologie indiquant l'affirmation d'une évidence qui est déjà claire. J’ai décidé d’utiliser la prononciation ukrainienne du mot, car j’aime le son qu'elle fait. Pour moi, le cinéma est très souvent construit sur des sentiments, comme la musique et la poésie. "La palisiada" a tout simplement le son de quelque chose qui semble grand : quelque chose qui aurait à voir avec la police, quelque chose de signifiant, quelque chose d’intéressant. Cependant, l’histoire criminelle s’est avérée secondaire, et la vie humaine insignifiante. J’ai décidé de donner au titre un son majestueux, alors qu'en fait, il s'agit de quelque chose d’insignifiant qu'on ne remarque pas vraiment.
Avez-vous intégré des éléments autobiographiques ou des histoires personnelles dans le scénario ?
J’ai écrit la première version seul, et puis j’ai eu l’aide d’Alina Panasenko, elle-même scénariste et réalisatrice. La première partie du film, à savoir la partie moderne, est liée à ma vie. J’ai mis beaucoup de moi dans ce qui arrive dans les vies de nombre de mes personnages. Les gens mangent, puis parlent de quelque chose, puis tentent de trouver un langage commun entre eux. Dans la relation du jeune couple, évidemment, il y a des éléments personnels, mais ce n’est pas une autobiographie, juste des observations sur des choses qui arrivent à beaucoup de gens, je pense.
Quant à la deuxième partie, elle reflète aussi les souvenirs d’un enfant de sept ans, le petit garçon qui se réveille dans cette scène. Je me souviens de cette époque à travers le regard de ce personnage. Bien sûr, la réalité pourrait être différente, parce que l’enfant la voit à sa manière à lui. Donc dans l’ensemble, ce sont des souvenirs d’enfance plus des éléments tirés de la vie quotidienne d’aujourd’hui.
Vous avez réalisé le court-métrage Nail, où vous recourez à une méthode de reconstruction de type documentaire. C’était un film de fiction où tout faisait l'effet de sortir d'un documentaire. La Palisiada fait un peu le même effet. Est-ce votre style signature ? Est-ce que vous prévoyez de garder ce style à l’avenir ?
Dans ma situation, la signature ou l’écriture n'est pas le fruit d'un choix, mais une chose qui naît d'elle-même. Peut-être que j’aimerais faire mon prochain film un peu différemment, mais le style dépend tout de même d’une certaine méthode que je suis dans mon travail avec le caméraman et les acteurs. De film en film, je travaille presque toujours de la même manière. À cause de cela, on distingue un style précis.
Pourriez-vous expliquer exactement quelle est cette méthode ? Qu’essayiez-vous exactement d'obtenir des acteurs ?
Le principal, c'est de ne pas intervenir quand les acteurs s’expriment : il faut se contenter de les guider et ne pas faire obstacle quand ils choisissent un certain angle. Je ne suis pas sûr que chacun d'eux soit Daniel Day-Lewis, qui est considéré comme un des meilleurs acteurs et peut tout jouer. Je travaille avec des non-professionnels, donc le type de personnalité de chacun est important ici. Je comprends ce qu'il ou elle est capable de faire et va être capable de transmettre, et je me contente de guider. Je place des gens qui ont certaines caractéristiques dans certaines circonstances.
Avez-vous déjà étudié la procédure pénale, ou le travail d’un détective ou d’un policier ? Est-ce que vous vous êtes familiarisé ces domaines avant de tourner ?
J’ai fondé mes recherches sur des archives VHS de la police. Un des producteurs de films, Sashko Chubko, m’a trouvé des cassettes intéressantes au Musée du Ministère de l'Intérieur. Ensuite, j’ai reconstitué visuellement certaines des scènes d'arrestation, mais avant toute chose, c’est du cinéma – donc comme la musique ou la poésie, plus dans cette veine. Le film a juste une allure de documentaire. On dirait que j’essaie de reconstituer des événements réels, mais l'ensemble reste une sorte de projection de mon imagination sur mon sujet.
(Traduit de l'anglais)
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