Fiona Tan • Réalisatrice
"Le cinéma c'est bien plus que juste obéir aux règles hollywoodiennes"
par Thomas Humphrey
- Cineuropa s’est entretenu avec Fiona Tan, la réalisatrice de History’s Future en compétition à Rotterdam, afin d’en savoir plus sur ce que l’artiste visuelle pense du cinéma et du festival
Profondément influencé par la peinture, la littérature et les livres de psychiatrie de sa mère, le travail de Fiona Tan est vraiment stimulant sur le plan intellectuel. Tan fait partie de ces artistes visuels qui s’essaient au cinéma qui intéressent le Festival international du film de Rotterdam. En lice pour le Tigre de cette année avec son premier long-métrage History’s Future [+lire aussi :
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bande-annonce
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fiche film], l’artiste présentera également en parallèle du festival une exposition intitulée News from the Near Future. Son futur semble donc s’annoncer sous les meilleurs auspices.
Cineuropa : Que représente pour vous la sélection de votre film aux Tigres 2016 ?
Fiona Tan : Pour tout dire, dans la mesure où je suis avant tout une artiste visuelle, je ne connais pas très bien les festivals de cinéma. Mais, d’après ce que les gens me disent, j’ai vraiment compris que les autres festivals sont généralement plutôt consacrés aux films grand public, plus commerciaux. De ce fait, je suis vraiment ravie d’avoir été sélectionnée ici.
Pensez-vous que les changements apportés à la structure du festival cette année soient une bonne idée ?
Je pense que c’était une bonne idée de réorganiser la compétition. Cela devrait leur permettre de se concentrer sur moins de films mais avec plus d’attention, et surtout, espérons-le, sur des films de meilleure qualité. Ça me semble plutôt malin comme choix.
Comment avez-vous vécu l’expérience de votre premier long-métrage ?
C’est plutôt épuisant [Rires.] Mais très excitant et très enrichissant à la fois. En réalité, cette évolution s’est faite de manière très naturelle. Cela fait des années que je travaille essentiellement en utilisant le film et la vidéo, ce qui fait que l’aspect production ne m’était pas totalement étranger.
Par ailleurs, il me semble que l’artiste que je suis a trouvé un intérêt grandissant pour la narration. C’est évidemment le principal objectif du cinéma d’aujourd’hui : les films sont censés raconter une histoire. Par conséquent, pour une artiste travaillant avec ce média, il semblait tout à fait logique d’aller explorer cela de plus près. Et puis, j’étais aussi très curieuse de pouvoir travailler avec des acteurs. Grâce à ce projet, j’ai pu concilier ces deux aspects.
Faites-vous partie de ces réalisateurs qui refusent de croire que les films se doivent de raconter une histoire de manière linéaire ?
D’une certaine manière, oui. Il me semble qu’il faut être capable de repousser ses limites pour voir jusqu’où on peut aller. Je n’ai pas envie de refaire quelque chose que quelqu’un d’autre aurait déjà fait avant moi, ni de me conformer aux règles. Je crois que le cinéma c’est bien plus que juste obéir aux règles hollywoodiennes. Je pense qu’en agissant ainsi, on lui donne des limites et on le rend conservateur. Je trouve ça vraiment dommage.
Vous avez sans doute rencontré des difficultés pour trouver des financements pour un projet aussi innovant, non ?
Je crois que c’est toujours difficile pour les films d’art et essai. Il faut être très persévérant, un peu à la manière de ces jouets pour enfants qu’on bouscule, mais qui finissent toujours par se redresser. On est obligé d’agir ainsi. Pendant un an ou deux en tout cas. Ce n’est pas très drôle, pas drôle du tout même…
Quand on y réfléchit, la subvention de l’Irish Film Board semble tout à fait opportune, car votre film a quelque chose de Samuel Beckett, non ?
Oui, c’est intéressant que vous disiez cela parce que Mark, qui interprète M.P., est également scénariste. Il est donc extrêmement cultivé et connaît Beckett sur le bout des doigts. Ce qui est intéressant, c’est que je me disais justement il y a quelques temps qu’il faudrait que je me repenche sur l’œuvre de Beckett. Je l’adore. Il a fait des trucs vraiment formidables. Le film avec Buster Keaton, par exemple. Comment ça s’appelait déjà ? Film ? C’était génial.
A-t-on des chances de le voir influencer l’un de vos prochains longs-métrages du coup ?
Peut-être. Pour le moment, je suis en train de monter un autre long-métrage. Le titre provisoire du film est Ascend. La seule chose que je vous révèlerai à son sujet, c’est que j’essaie de faire un long-métrage en n’utilisant que des images fixes. Voilà, c’est tout ce que j’en dirai.
C’est quelque chose qui s’est fait de façon assez spontanée là encore, et c’est plutôt dur à faire, je dois dire. Mais c’est vraiment bien, malgré tout, de travailler sur ce projet. Il me faut trouver des solutions pour réussir à faire un film dans des conditions des plus minimalistes, mais ça vaut vraiment la peine, selon moi.
(Traduit de l'anglais)
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