Tachycardie atriale
La tachycardie atriale, anciennement appelée tachysystolie atriale, est un trouble du rythme supra-ventriculaire différent du flutter et de la fibrillation atriale.
Physiopathologie
[modifier | modifier le code]Elle est la conséquence d'un foyer de dépolarisation anormal, ectopique (hors du nœud sinusal), qui se dépolarise de façon autonome et régulière ou sur une activité déclenchée.
Elle peut être secondaire à une cardiopathie avancée, à une maladie pulmonaire sévère, ou à une intoxication par les digitaliques, les beta-adrénergiques, la théophylline, ou à certains troubles hydro-électrolytiques (hypokaliémie). L'intoxication digitalique favorise l'activité déclenchée, l'hypoxémie et la théophylline l'hyperautomatisme.
La localisation du foyer ectopique se situe un peu plus fréquemment au niveau de l'oreillette droite[1]. Dans ce cas, il se situe le plus souvent près du nœud sinusal au niveau d'une structure appelée « crista terminalis »[2]. Du côté gauche, il se situe le plus souvent à l'origine d'une veine pulmonaire[3]. L'aspect de l'électrocardiogramme permet de situer l'origine de la tachycardie avec une bonne fiabilité[1].
Clinique
[modifier | modifier le code]Le sujet peut être asymptomatique (il ne présente aucun signe clinique). Il peut ressentir des palpitations, une fatigue asthénie, une gêne respiratoire dyspnée.
Une tachycardie atriale prolongée (comme pour toute tachycardie) peut provoquer une insuffisance cardiaque avec altération de la fonction systolique, parfois importante, et pouvant être régressive à l'arrêt de la tachycardie[4]. On parle alors de cardiopathie rythmique.
Aspect Électrocardiographie
[modifier | modifier le code]L'arythmie peut être paroxystique ou permanente.
Sur l'électrocardiogramme, la tachycardie atriale est le plus souvent régulière (mais pas systématiquement). L'activité auriculaire est organisée et régulière avec un retour à la ligne isoélectrique entre deux ondes P ce qui la différencie de l'aspect classique d'un flutter auriculaire. La fréquence des atrias est comprise entre 100 et 250 par minute[5]. Les complexes QRS sont fins (sauf en cas de bloc de branche fonctionnel ou organique préexistant). La transmission aux ventricules cardiaques est variable avec un nombre plus élevé d'ondes P que de complexes QRS. La fréquence ventriculaire dépend de la fréquence atriale. Si cette dernière est rapide, la conduction, sans traitement, est souvent de type 2/1
Il peut exister une tachycardie atriale multifocale (chaotique) : Elle se caractérise par la présence d'ondes P de morphologie différente qui ont une fréquence de plus de 100 par minute, avec des intervalles P-R variables ce qui conduit à des complexes ventriculaires (QRS) de fréquence irrégulière mais fins (sauf bloc fonctionnel ou organique préexistant).
Certains indices permettent de suspecter certaines localisations du foyer ectopique. Cela est vrai essentiellement pour des oreillettes « normales ». Par exemple, une activité auriculaire positive dans la dérivation V1 est fortement évocatrice d'un foyer auriculaire gauche[6].
Si la tachycardie est paroxystique, un holter contribue à en suspecter le diagnostic mais la différenciation avec un flutter atrial est moins aisée.
L'exploration électrophysiologique, par l'analyse des signaux électriques intracardiaque, peut aider à en faire le diagnostic : en tachycardie, celle-ci n'est pas arrêtable par stimulation rapide ou par extrastimulus, ce qui permet d'exclure le rôle d'une macro réentrée (voie de conduction se bouclant sur lui-même). En rythme normal (dit sinusal), elle n'est pas déclenchable par des extrasystoles. Par ailleurs, la portion de l'oreillette droite située entre l'anneau tricuspide et l'abouchement de la veine cave inférieure (« isthme cavo tricuspide ») n'est pas perméable à un influx électrique, ce qui permet d'éliminer un flutter auriculaire commun.
Complications
[modifier | modifier le code]Une complication thrombo-embolique (formation d'un caillot dans une oreillette susceptible de migrer dans la circulation et d'aller obstruer une artère) est toujours possible, quelle que soit la forme de la tachysystolie, et impose un traitement anticoagulant.
Dans un cas sur 10, et d'autant plus que l'arythmie est permanente (ou incessante), la fonction systolique du ventricule gauche peut s'altérer plus ou moins profondément, dans le cadre d'une cardiomyopathie rythmique[7].
Traitement
[modifier | modifier le code]La prise en charge des tachycardies atriales a fait l'objet de la publication de recommandations. Celles, américaines, datent de 2015[5]. Celles, européennes, datent de 2019[8]
Il vise d'abord à corriger les facteurs favorisants :
- Arrêt des digitaliques en cas d'intoxication digitalique.
- Administration de potassium en cas d'hypokaliémie.
- Réduction ou arrêt des dérivés xanthiniques (théophylline).
- Traitement d'une insuffisance respiratoire.
La réduction médicamenteuse ou électrique est possible mais le risque de récidive est important vu le mécanisme des tachysystolies atriales, mais au besoin on peut utiliser les bêtabloqueurs ou les inhibiteurs calciques pour ralentir la fréquence ventriculaire.
L'ablation du foyer ectopique consiste à chauffer ce dernier à l'aide d'une sonde, jusqu'à parvenir à sa destruction. La localisation du foyer est faite au cours d'une exploration électrophysiologique et ne peut être faite qu'en tachycardie. Cette localisation est grandement facilitée par la constitution automatisée de cartes électro-anatomiques des oreillettes. Cette ablation entraîne la guérison du trouble du rythme, avec un taux de récidive très faible[9]. Dans le cas d'une tachycardie atriale multifocale, l'ablation direct des foyers est difficile et on préfère alors un traitement médicamenteux qui ralentit la fréquence cardiaque, ou, si cela ne suffit pas, la pose d'un stimulateur cardiaque avec ablation du nœud atrio-ventriculaire[8].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Kistler PM, Roberts-Thomson KC, Haqqani HM et al. P-wave morphology in focal atrial tachycardia: development of an algorithm to predict the anatomic site of origin, J Am Coll Cardiol, 2006;48:1010-1017
- Kalman JM, Olgin JE, Karch MR et als. "Cristal tachycardias": origin of right atrial tachycardias from the crista terminalis identified by intracardiac echocardiography, J Am Coll Cardiol, 1998;31:451–9
- Rosso R, Kistler PM, Focal atrial tachycardia, Heart, 2010;96:181-185
- Packer DL, Bardy GH, Worley SJ et als Tachycardia-induced cardiomyopathy: a reversible form of left ventricular dysfunction, Am J Cardiol, 1986;57:563–70
- Page RL, Joglar JA, Caldwell MA et al. 2015 ACC/AHA/HRS Guideline for the Management of Adult Patients With Supraventricular Tachycardia: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines and the Heart Rhythm Society, Circulation, 2016;133:e506-e574
- Tang CW, Scheinman MM, Van Hare GF et als. Use of P wave configuration during atrial tachycardia to predict site of origin, J Am Coll Cardiol, 1995;26:1315–24
- Medi C, Kalman JM, Haqqani H et al. Tachycardia-mediated cardiomyopathy secondary to focal atrial tachycardia: long-term outcome after catheter ablation, J Am Coll Cardiol, 2009;53:1791-1797
- Brugada J, Katritsis DG, Arbelo et al. 2019 ESC Guidelines for the management of patients with supraventricular tachycardia The Task Force for the management of patients with supraventricular tachycardia of the European Society of Cardiology (ESC): Developed in collaboration with the Association for European Paediatric and Congenital Cardiology (AEPC), Eur Heart J, 2020;41:655-720
- Chen SA, Chiang CE, Yang CJ et als. Sustained atrial tachycardia in adult patients. Electrophysiological characteristics, pharmacological response, possible mechanisms, and effects of radiofrequency ablation, Circulation, 1994;90:1262–78